ette page a été complétée le 15 mars 2015
Cette page contient des documents concernant les communes de Carhaix, Plounévézel, Botmeur, Plouyé, La Feuillée, Collorec, Châteauneuf-du-Faou, Priziac, Bulat-Pestivien
2) oui et non .... Treize exemples prêchant en faveur d'une réponse ambigue...
a) Premier exemple: la répartition sociale de la propriété des terres et maisons de la commune de Plounévézel
Entre 1886 et 1927, la propriété des terres et des maisons rurales échappe de manière croissante aux deux classes généralement aisées -mais il existe des nobles en sabots -, qui ne représentent, arithmétiquement, que des minorités dans la société de cette période.
Cependant, ce phénomène est beaucoup plus éclatant entre 1920 et 1927 qu'avant la Grande Guerre, où il reste ténu.
En 1908, la commune compte 121 propriétaires "étrangers" et 213 propriétaires "indigènes" ou résidents.
Parmi les propriétaires nobles, qui paient ensemble en 1908 un peu plus du cinquième des taxes communales, citons:
Audren de Kerdrel, de Lannilis; De Dieuleveult, de Bohars, de Saisy Aliette, de Plouguer; le vicomte de Saisy, de Glomel (22); de Kermerchou de Kerautem, de Carnoët (22); de Pont Briand, de Saint-Brieuc (22); de Kermel, de Rennes; de Kersauson de Penandreff, d'Avignon (84)..
Parmi les propriétaires bourgeois, qui acquittent plus de la moitié des taxes...ce qui résulte d'un premier transfert de terres opéré entre 1791 et 1800, au détriment des nobles et du clergé catholique d'Ancien Régime ("Biens nationaux").
Barjou, notaire à Lesneven; Bernard, médecin à Châteauneuf-du-Faou; Bréat, négociant à Pont-Croix (29); Juncker, ingénieur à Quimper; Salaün, avocat à Brest; Ronin, capitaine de frégate à Brest; Terrien, de Levallois-Perret.
b) Deuxième exemple: l'assistance des pauvres gens à Botmeur
Ce graphique traduit des données de la série Q des archives départementales du Finistère (bienfaisance, assistance, Botmeur).
On y ajoute, pour 1913, 8 familles nombreuses, soit 40 personnes, aidées gratuitement de manières diverses.
On trouve donc la trace d'un sous-prolétariat affligé par le grand âge, l'excessif nombre d'enfants, la faiblesse ou l'irrégularité des revenus d'une saison à l'autre, d'une année à la suivante. Ce n'est pas nouveau. Ce qui l'est, c'est, d'abord, l'existence d'une aide sociale votée, organisée par la municipalité, grâce aux ressources procurées par la vente des biens ecclésiastiques au moins pendant quelques années (1907-1914). C'est, ensuite, l'acceptation de cette aide par ceux qui en bénéficient. En effet, pendant des siècles, exception faite des mendiants professionnels, on mettait son point d'honneur à se sortir des mauvaises passes sans le secours proclamé d'autrui...
c) Troisième exemple: l'assistance aux malades à Cléden-Poher
"Mandats délivrés pour payer le docteur Dubuisson, le docteur Marchais, le pharmacien Le Janne:
Nombres de bénéficiaires: en 1900: 22; en 1901: 106"
Archives départementales du Finistère, E dépôt, série Q, bureau de bienfaisiance, 1894-1913, Cléden-Poher
d) Quatrième exemple: les revenus déclarés des édiles de Cléden-Poher, la Feuillée, Plouguer, Plounévézel, Collorec, Spézet
Ce qui est constant: des domestiques de ferme, des gagne-petits, des gagne-rien vivant de petites activités ponctuelles (jardiniers, émondeurs d'arbres, glaneurs, hommes de corvée, etc...) parviennent à être élus et obtiennent assez souvent un total de suffrages supérieur à celui des "paysans aux mains blanches".
Ce qui fluctue: d'abord, l'élection (1884 - 1912) à Cléden-Poher d'un très gros propriétaire, le comte du Laz; ensuite, l'enrichissement relatif des élus à partir de 1900 (revenu moyen voisin de 1050 F)
e) Cinquième exemple: revenus des élus et popularité électorale, la Feuillée
Les pauvres, écartés, lors des débuts de la IIIe République, des responsabilités édilitaires, prennent le pouvoir au cours de la "Belle Epoque". En effet, l'un d'entre eux obtient le total de voix le plus élevé en 1908; un domestique de ferme, célibataire, travaillant pour la nourriture, un toit (de crèche), quelques hardes neuves chaque année, devance un paysan aux mains blanches. Le résultat des élections de 1908 semblent refléter un des préceptes du Christ: "les premiers seront les derniers et les derniers les premiers".
Cependant, les conseillers aisés sont présents en 1908 comme en 1871, en raison de leur instruction, même rudimentaire.
f) Sixième exemple: la composition socio-professionnelle des municipalités de Châteauneuf-du-Faou
La diversité professionnelle et sociale demeure, mais elle n'est pas complète: aucun ouvrier n'a franchi le seuil de l'édilité. Cependant, le "peuple", représenté par les travailleurs manuels, cède la majorité aux "mains blanches" de la toute petite bourgeoisie, instruite peu (commerçants) ou prou (huissier, greffier), ou de la moyenne bourgeoisie (médecins, rentiers).
g) Septième exemple: les conscrits de Carhaix...
L’analyse des fiches de conscription établies par les conseils cantonaux dits de « revision » permet de décrire l’évolution socio-professionnelle carhaisienne , sur une soixantaine d’années. Les années des décennies étudiées sont celles de naissance des conscrits…
Le passé se survit. Les vieux métiers, antérieurs à la Révolution de l’industrie et des transports, ne disparaissent pas, tant s’en faut : les tailleurs d’habits, sabotiers, cloutiers, tanneurs, forgerons, chaudronniers, selliers, carriers, fendeurs d’ardoise, charrons, et, à plus forte raison, les ouvriers des métiers de bouche : boulangers, bouchers, cuisiniers, comme les ouvriers du bâtiment : maçons, couvreurs, plâtriers… comme les domestiques (valets de chambre) sont très largement présents jusqu'à la guerre de 1914-1918…
Carhaix reste donc une petite ville d’artisans et de boutiquiers.
Cependant, des transformations, plus ou moins accentuées et spectaculaires, se font jour..
Déclin du secteur primaire ; tout y concourt : l’exode rural, la désaffection à l’égard du travail agricole, l’augmentation du niveau d’études des jeunes gens, l’urbanisation de la commune..
Croissance du nombre d’ouvriers dont la profession est liée à la naissance d’activités « nouvelles » ou récentes : l’imprimerie, la mécanique (garage), l’électricité, le transport ferroviaire ou routier (autobus) ou de nouvelles (télégraphiste).
Alors qu’au cours de la décennie 1881-1890, beaucoup de jeunes gens s’étaient engagés dans l’armée de terre, la « Royale » ou « au commerce », pendant la « Belle Epoque le flux semble se tarir. Mais aucun rapport avec la Grande Guerre…
Le nombre d’instituteurs, d’étudiants, notamment en droit, mais aussi de séminaristes, croît notablement, davantage que celui des « scribes », des facteurs des PTT ou des employés d’officine (« aide-pharmacien ») ou de banque (Crédit Lyonnais)…
h) Huitième exemple: le "santifikat" (nombre de présentés et de reçus au "Certificat" d'études primaires)
Poher finistérien : cantons de Carhaix, Châteauneuf, Huelgoat, communes de Brennilis et Loqueffret.. Ces statistiques et graphiques sont dressés à partir des archives départementales du Finistère sous la cote 1 T 834-872 : les notes obtenues dans toutes les disciplines par tous les élèves du Finistère ayant subi les épreuves du Certificat d’études primaires entre 1901 et 1938, s’y trouvent consignées (procès-verbaux d’examen)…Chaque citoyen français peut donc prendre connaissance des notes obtenues par l’un des membres de sa famille ayant passé le"certif" dans un lieu d'examen finistérien entre les dates indiquées ci-dessus…
Sur 13 ans, le nombre annuel moyen de reçus est 246, celui des refusés 127…
Jusqu’en 1905, le pourcentage d’admis oscille entre 72 et 81 % : élèves doués, studieux, assidus ? Ou sélectionnés par les enseignants qui, soucieux de leur propre renommée pédagogique, écartent les élèves ayant peu de chances d’être reçus ?
A partir de 1905, non seulement le nombre d’admis tend à diminuer en valeur absolue, mais le taux d’admis chute, parfois lourdement (1912 : 51 %). Examen rendu plus difficile ? Nombre d’élèves fragiles en augmentation (pression des parents ?).
i) Neuvième exemple: la nécessité de l'instruction est très inégalement ressentie sur la plan géographique..
j) Ambiguités des évolutions de l'alphabétisation....
Certes, les époux sont toujours plus alphabétisés que leur femmes, les épouses sont de moins en moins illettrées, mais deux phénomènes relèvent du mystère: d'une part, à Priziac, l'écart entre les époux et les épouses, après s'être réduit, devient béant; d'autre part, à Huelgoat, au lieu de s'abaisser encore entre 1906 et 1910, les taux d'analphabétisme croîssent....
l) Les rapports entre patron et ouvriers, Carhaix, 1906
Cette photo est fournie aimablement et gracieusement par Erwan Thomas, de Sainte-Anne d'Auray. Elle présente la famille et les employés d'Auguste LE VINCENT (1876-1943), son arrière-grand-père, rue du Fil (aujourd'hui Félix Faure) à Carhaix
Le patron et son épouse (née Marie-Louise Quéneuder (1880 - 1941) sont dans l'encadrement de la porte d'entrée de l'atelier-boutique.
L'artisan, bourrelier-sellier, fabrique pour les chevaux de trait les selles, les sangles, les colliers. Il prend les commandes, calcule les prix, forme des apprentis, contrôle la fabrication, prend contact avec les fournisseurs (bois, cuirs). Il lui arrive de faire savoir par voie de presse qu'il est acheteur de peaux fraîches de bovins. Une assez nombreuse progéniture, des parents ou beaux-parents en costume breton du Poher. Deux employés sur trois incarnent assez bien l'"aristocratie de la classe ouvrière" francisée; le troisième ainsi que l'apprenti portent la chemise bretonne des hommes et une servante récemment arrivée de la campagne toute proche n'a pas encore abandonné le costume traditionnel. Les enfants sont habillés en "bourgeois" de petite ville. Le patron et ses employés se connaissent bien, se parlent volontiers, déjeûnent vraisemblement ensemble. La lutte des classes, si tant est qu'elle existe dans une petite entreprise prospère, est réduite à sa plus simple expression: elle porte à peu près uniquement sur les augmentations de salaires.
Auguste Le Vincent, partisan indéfectible du médecin Lancien, maire, puis député, puis sénateur, fut conseiller municipal sans interruption de 1908 à 1940.
m) Tradition maintenue et tradition battue en brèche: l'exemple carhaisien
Remarque explicative: les nombres négatifs sont en réalité positifs
1) L'évolution numérique, à 20 années d'écart, est infime
- Pour les entrepreneurs: comme depuis très longtemps, la ville attire peu de chefs d'entreprise et, au sein de sa population, suscite peu de vocations: quelques entrepreneurs en bâtiment, un marchand de grains, un gros meunier
- Pour les fonctionnaires manuels: les cantonniers notamment, en dépit du mauvais état de la voirie de la ville
- Pour les ouvriers qualifiés: du bâtiment, du bois, du cuir, du grain
- Pour les employés de maison: domestiques et servantes
- Pour le prolétariat à domicile: buandière, repasseuse et surtout couturière
2) L'évolution numérique est importante
a) elle est décroissante
- les journaliers: beaucoup voient leur salut dans l'exode
- les employés non qualifiés: les employés de magasin
- les commerçants: la concurrence en a réduit le nombre, sauf dans le cas précis des "débitants"
- les artisans de tradition
- le clergé et les rentiers du sol: la fermeture du couvent et de l'école des Ursulines a considérablement réduit le nombre des religieuses, notamment Ursulines; la rente foncière est ébranlée par la hausse du coût de la vie depuis 1896 et bien des paysans, jusque-là fermiers de père en fils, deviennent petits propriétaires terriens
b) Elle est croissante pour
- les employés qualifiés: aide pharmacien, clercs de notaire, de greffier, les maîtres d'hôtel
- Les cultivateurs, ce qui ne laisse pas d'être surprenant
- les fonctionnaires instruits: postiers, instituteurs, employés de la perception, de la voirie
- Les artisans des métiers récents
- La bourgeoisie savante: médecin, notaire, pharmacien
- et surtout pour l'aristocratie ouvrière: les mécaniciens, chauffeurs, ajusteurs du chemin de fer
Enfin, comment interpréter cette série statisque concernant la cosommation annuelle moyenne de chacun des 3600 habitants de Carhaix à la veille de la Grande Guerre:
cidre: 123 litres; vin: 48 litres; alcool: 9 litres; bière: 15 litres; viande: 52,6 kg
Dernière modification le 13/03/2019