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C) De quelques pommes de discorde...
1) La Séparation
La loi, avalisée par le Sénat, est promulguée le 9 décembre 1905 :
« Article 1. La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes..
Article 2. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte…
Article 23. Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement aux exercices du culte.
Article 28. Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public, à l’exception des édifices servant au culte..
En orange, les départements dont les députés ont TOUS approuvé la loi de Séparation; en jaune, ceux dont la MAJORITE des députés ont voté en faveur de ce projet de loi; en gris partisans et opposants sont EN NOMBRE EGAL; en bleu ceux dont une MAJORITE de représentants à la Chambre s'est OPPOSEE au projet; en violet ceux dont TOUS les députés ont désapprouvé le projet qui leur était soumis.
Paris – A la Chambre des Députés
« Séance du 29 novembre – Le socialiste Dejeante demande que l’on interdise le port de la soutane en France. M. Briand répond à ce farouche citoyen que « le gouvernement a autre chose à faire que de régler la coupe des habits des citoyens » »
Ar Bobl, n° 258, 4 décembre 1909
De 1902 à 1906, le « petit père Combes », ancien séminariste défroqué devenu docteur en médecine et sénateur, conduit la politique française depuis l’Hôtel Matignon dont il est l’hôte du 10 juin 1902 au 18 janvier 1905. Anticlérical acharné, il fait preuve, contre les congrégations religieuses enseignantes (les Ursulines de Carhaix, par exemple), d’un esprit de persécution telle que le socialiste Millerand lui-même le qualifiera d’abject.
« Collecte de signatures à la campagne en faveur de la dénonciation du Concordat, mais collecte aussi en sens inverse. La Séparation est un moyen de guerre contre le sentiment religieux...Les catholiques se voient contraints à de nouveaux et pénibles sacrifices- Hervé Claude »
Ar Bobl, n° 4, 15 octobre 1904
De son vrai nom, Hervé Claude s'appelle Diraison. Après des études au petit séminaire de Pont-Croix, il épouse la sœur du maire catholique de Collorec. Rédacteur en chef du Courrier du Finistère, il donne des articles à ar Bobl. Il meurt de phtisie à 38 ans en décembre 1908
Le Concordat de 1801 entre le Premier Consul Bonaparte et le Nonce papal réglait les rapports entre les clergés et l’Etat. En vertu de cet accord, les prêtres, pasteurs et rabbins recevaient un traitement annuel de l’Etat. Les anticléricaux ne pouvaient admettre que les prêtres, très majoritairement adversaires de la République, surtout parlementaire, puisse enseigner, prêcher (en breton) et influencer ouvertement le vote des électeurs.
« Séance du 22 octobre 1904 à la Chambre des Députés : Rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège – Pour : 318 dont 3 députés finistériens, 3 députés des Côtes-du-Nord. Contre : 230 (dont 6 députés finistériens et 5 des Côtes-du-Nord)- Abstention : Dubuisson, député de Carhaix »
Ar Bobl, n° 6, 29 octobre 1904
La majorité des députés bretons élus en 1902 est composée de républicains modérés, tolérants en matière religieuse et scolaire
« Séance du 23 octobre 1904 à la Chambre des Députés : Baudry d’Asson député royaliste de Vendée utilise les formules : « le père Combes », « Vobis Combes »
« En présence d’un courant d’idées aussi fort et d’une source d’énergies aussi abondante que l’est en France le catholicisme, le gouvernement, quel qu’il soit , n’a le choix qu’entre ces deux attitudes: ou favoriser ce mouvement et puiser à cette source des forces pour l’accomplissement de sa mission ou bien combattre le premier et essayer par tous les moyens de tarir la seconde.. Mais la majorité ne voulant pas entendre d’entente amicale, c’est donc la persécution qui se déchaînera... - Hervé Claude »
Ar Bobl, n° 6, 29 octobre 1904
Une guerre franco-française fondée sur l’opposition des conceptions religieuses : protestants contre catholiques, jansénistes contre jésuites, ultramontains contre gallicans, déïstes contre conformistes, athées contre croyants, irréligieux contre cléricaux…
Le socialiste Dejeante réclama au printemps 1902 le droit pour les libres penseurs de siffler dans les églises pendant les cérémonies
Paris- Combes parlera.
« M. Judas Combes prononcera à Grenoble un grand discours-programme. L’ancien Président du Conseil mangera du curé. C’est la plat de résistance des agapes soi-disant démocratiques »
Ar Bobl, n° 59, 4 novembre 1905
MALHEUR AUX PAUVRES !
« Pour des millions de Français, la religion n’est pas un amusement comme le théâtre pour d’autres, c’est un besoin, c’est une nécessité de conscience. Nos paysans sont si pauvres et tellement écrasés d’impôts qu’on ne trouvera pas, malgré la foi qui les anime encore les millions de francs nécessaires pour le logement et le modeste traitement du curé et pour l’entretien des églises et leur location... Ni moi ni personne de ma famille ne serons jamais avocats. Pourquoi nous force-t-on de payer les professeurs de droit ? Est-ce que le service public du culte n’a pas de raison d’être autant que le service public des Beaux Arts dont les trois quarts de la Nation ne profitent pas ? La liberté de conscience est un droit de l’Homme... Mais, en France, le Bloc dit: « Tant pis pour les pauvres ! - Cyr »
Ar Bobl, n° 13, 17 décembre 1904
« Charité bien ordonnée commence par soi-même.. ». De la divergence des ordres de priorités
Au Parlement – « M. Julien Goujon, progressiste, rappelle la parole de Jules Ferry : « la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la suppression du budget des cultes seront, avec une guerre continentale, le plus grand malheur qui pût arriver à la République »
Ar Bobl, n° 30, 15 avril 1905
Un progressiste est un homme de droite conservatrice
Pétitions contre la Séparation : France : 1 500 000 signatures ; Finistère : 83 132 signature, Côtes-du-Nord : 85 000 ; Ille-et-Vilaine : 90 000 ; Loire atlantique : 88 000 ; Haute Loire : 150 000 ; Mayenne : 185 000
Ar Bobl, n° 34, 13 mai 1905
Paris – Séance au Parlement : la Séparation
« M. Dejeante engage les socialistes à revêtir dans les mascarades le costume ecclésiastique pour le ridiculiser »
Ar Bobl, n° 41, 1er juillet 1905
"L'article 23 de la Loi de Séparation est voté: "Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement aux exercices du culte"
Ar Bobl, n° 41, 1er juillet 1905
Paris – « Séance de la Chambre des Députés du 3 juillet 1905 –
M. Gérault-Richard, député, propose de remplacer les noms de Toussaint, Ascension, Assomption et Noël par des noms de fêtes de fleurs, de moissons... Projet repoussé par 356 voix contre 195 –
M. Briand déclare : « Si le développement de l’Eglise est impossible sans le secours du Concordat, c’est que l’Eglise romaine est morte »
Ar Bobl, n° 42, 8 juillet 1905
« La Chambre a voté le 21 décembre 1907 la loi de dévolution des biens d’église »
Ar Bobl, n° 170, 28 décembre1907
Paris – A la Chambre
« Ce qui nous divise, c’est l’étendue de toute la question religieuse » a dit M. Poincaré en s’adressant aux députés conservateurs (Libéraux et républicains progressistes)
Ar Bobl, n° 377, 16 mars 1912
2) L’ »Affaire »
« Dreyfus, c’est entendu, est une innocente victime ; ainsi l’a proclamé la Cour de Cassation. N’empêche qu’une bonne moitié des Français le tint pour coupable pendant plusieurs années et que de fortes présomptions militaient en faveur de cette opinion. D’autres Français, sans trop savoir pourquoi au début, soutinrent énergiquement l’innocence du capitaine. L’or hébraïque, amassé patiemment par un travail séculaire, dut être versé à flots, car Dreyfus trouva des défenseurs qu’un Français d’origine n’eût pu espérer. Après six années de crise et de luttes, les Sémites et leurs alliés l’emportèrent »
Ar Bobl, n° 187, 25 juillet 1908
3) La question scolaire
"L'éducation développe les facultés mais ne les crée pas": cet axiome voltairien est utilisé par les détracteurs de l'instruction obligatoire pour tous et, bien évidemment, par ses partisans
Paris – « Débat à la Chambre sur la question scolaire. Barrès demande que l’instituteur soit surveillé par un comité de pères de famille, qui collaborerait avec lui […] Aristide Briand se dit hostile au monople de l’enseignement. La diversité de l’enseignement doit être de mise dans une démocratie. Mais la République ne tolèrera pas que le curé s’introduise à l’école laïque»
Paris - La politique de M. Briand
« M. Briand a lu à la Chambre la déclaration d’usage du nouveau Ministère : « Le parti républicain n’a pas condamné la religion d’Etat dans ce pays et séparé, il y a quatre ans, l’Etat de l’Eglise pour créer une sorte d’irréligion d’Etat. L’Ecole ne doit être ni religieuse ni anti-religieuse, elle doit faire abstraction de tout ce qui est métaphysique et surnaturel pour s’en tenir aux vérités démontrées et acceptées par tous ».
M. Faure, le nouveau Ministre de l’Instruction publique, exigera que l’amour de la Patrie soit l’âme même de l’enseignement des instituteurs […]
Briand veut nous sortir des « mares stagnantes » . Sans chicaner sur son passé ou sur ses intentions, il importe à tous les amis de l’Ordre et du Travail de l’appuyer contre les fauteurs d’anarchie et les cerveaux déséquilibrés qui fourbissent leurs armes derrière le masque pansu de Jaurès»
Ar Bobl, n° 307, 12 novembre 1910
"Mares stagnantes": Allusion au système des circonscriptions électorales qui, d’une élection législative à la suivante, désignent les mêmes députés et donc la même majorité parlementaire soutenant des gouvernements de colorations politiques très proches
4) La question patriotique
"L'égoïsme, source du socialisme, la jalousie, source de la démocratie, ne feront jamais qu'une société faible, incapable de résister à de puissants voisins" (Ernest Renan (1823-1892))
"La "Lanterne": la feuille attitrée des judaïsants et des prussianisants"
Ar Bobl, n° 61, 18 novembre 1905
La Lanterne, fondée par Henri Rochefort, ancien opposant au Second Empire, puis boulangiste, est un journal anticlérical, très hostile au catholicisme. Aux yeux des conservateurs, ce journal se fait trop le défenseur des juifs (Naquet, qui inspira en 1884 la loi rétablissant le divorce; Dreyfus).
« « La Gaule vraiment unie en une seule nation serait capable de défier le monde » - César (citation gravée sur le monument de Vercingétorix à Alésia)
Ar Bobl, n° 351, 17 septembre 1911
Paris – Décès de Paul Déroulède
« Une grande figure de soldat vient de disparaître en Paul Déroulède. Il incarnait, dans sa forme la plus noble et la plus élevée, le patriotisme le plus pur et le plus désintéressé »
Ar Bobl, n° 477, 7 février 1914
La menace allemande: est-elle réelle ? Si oui, comment éviter une guerre ? Si cela est impossible, cette guerre doit-elle défensive ou offensive ? La France doit-elle se contenter d'une armée de métier et abolir le service militaire (solution anglaise) ou bien adopter la solution suisse du citoyen-soldat, ou encore doit-elle conserver une armée composée essentiellement de conscrits, donc de soldats non-professionnels ? Dans ce cas, quelle est la durée du service militaire la plus adéquate ? Et d'abord, quels sont les tenants et les aboutissants de la question marocaine ?
"Le Maroc
L'ogre prussien veut goûter au Maroc. Lohengrin-Guillaume II, fatigué de son inactivité forcée, remue ses bottes. Il ne veut pas être le dernier à prendre pied au Maroc. L'acte d'Algésiras, il s'assoit dessus. Et d'abord, qui connaît l'acte d'Algésiras ? Les Français s'installent à Fez, les Espagnols débarquent à Larache, les Allemands envoient un navire de guerre devant Agadir. Une émotion considérable s'est emparée des Français à cette nouvelle. Les querelles d'Allemand commencent toujours de cette manière et, si notre Gouvernement était aussi ouvertment combatif que celui du Kaiser, la guerre éclaterait. Malgré tout le pacifisme dont on fait parade, nous y serons peut-être acculés par la nette volonté des Germains d'avoir la guerre.
L'Allemagne est arrivée au point où il faut qu'elle occupe ses armées et ses flottes. Elle veut se mesurer avec la France; toutes nos reculades n'empêcheront pas la fatale échéance. L'orage est dans l'air. La France et l'Angleterre ont, d'un commun accord, décidé d'envoyer chacune un croiseur à Agadir. En réponse, Berlin en envoie un second. Cà chauffe. Jamais l'Angleterre ne permettra que l'Allemagne s'installe en face de l'Océan, à Agadir. C'en serait fait de sa suprématie maritime. Il y a aussi à Agadir de riches mines de fer. L'Allemagne ne serait pas fâchée de s'y approvisionner"
Ar Bobl, 8 juillet 1907
Quatre ans plus tard, la question marocaine continue d'envenimer les relations entre grandes puissance européennes...
"Guerre au Maroc.
La situation semble se compliquer au Maroc. Il est hors de doute que le dernier mot restera aux Lebels mais avant la pacification complète il y aura du sang versé.
Incontestablement, la France pénètre au Maroc avec la mission imprescriptible qu'a le Blanc de porter, même par la force, chez les peuples barbares, le flambeau de la civilisation, du libre commerce et de la liberté. Il n'en reste pas moins qu'en justice stricte les Marocains ont raison de défendre leur autonomie islamique contre les Roumi accapareurs qui leur prennent leur territoire, pour l'améliorer et le faire profiter, c'est entendu, mais encore qui se présentent chez eux avec toutes les apparences de voleurs à main armée. Et les Marocains, auxquels, pour anarchique qu'elle soit, plaît telle qu'elle est, ne veulent pas entendre parler de progrès ni d'europénisation. A peine leur avons-nous imposé un sultan, Moulay Hafid, qui serait l'homme-lige de la France, qu'ils le répudient comme vendu à l'étranger et que le patriote El Heiba, fils d'un prêtre de Mahomet, groupe autour de lui les partisans de l'indépendance et se fait proclamer, lui aussi, sultan du Maroc.
[...] L' Allemagne, en nous "donnant" un Maroc qu'elle n'avait pas, pour nous prendre un Congo défriché et pacifié, a conclu un marché avantageux, ce qui ne l'empêchera pas, quand nous aurons définitivement soumis le Maroc, d'y envoyer ses financiers et ses colons, en réclamant pour eux les droits de nos nationaux.
[...] La République a décidé d'envoyer des renforts au Maroc, mais les engagements volontaires sont plutôt rares. Une contrebande d'armes de plus en plus active est opérée par des Espagnols. Les protestations du général Lyautey ne laissent aucun doute concernant la responsabilité espagnole dans la résistance marocaine à notre pénétration"
Ar Bobl, 24 août 1912
La Loi de trois ans est-elle une panacée indolore ?
" Les Allemands se sont pris de nouveau à affûter leur grand sabre. Et pour maintenir son rang militaire, la France va consacrer en 5 ans un demi-milliard à ses armements et rétablir la loi de 3 ans, sans dispense. Il est certains que tous les sacrifices demandés seront satisfaits sans hésitation. Mais il n'est pas défendu d'en évaluer l'importance et d'en chercher les répercussions probables.
On nous dit: l'Allemagne dépense 2 390 millions de francs pour son armée, la France, 1 343 millions. Mais il y a 65 millions d'Allemands et 40 millions de Français. On nous dit: 21 millions de Français gagnent leur vie et 29 millions d'Allemands gagnent leur vie; donc chacun de ceux-là paye pour la défense nationale, 82,41 F pour un Allemand et seulement 63,95 F en France; donc nous pouvons fournir un plus gros effort.
Il faut racheter l'infériorité où nous met le fait d'avoir été les premiers dans le monde à réduire notre natalité. Quoi qu'on fasse, nous sommes à 8 contre 13. Et c'est pour cela qu'il va falloir payer davantage au fisc. Et qui paiera ? Le nombre de nos contribuables a tendance à diminuer, avec le système des dégrèsvements. L'impôt sur le revenu reparaît, avec ses perspectives incertaines pour l'Etat, dangereuses pour les contribuables...
Le moment est venu d'entendre l'avertissement de M. Aynard: "Dépensons le moins possible et laissons le peuple travailler le plus possible": voilà la plus sage des maximes de gouvernement et la plus d'actualité"
Ar Bobl, 22 mars 1913
"Les Trois ans ou les milices ?
La Chambre a voté le maintien de la classe 1910 sous les drapeaux et les Conseil Supérieur de la Guerre s'est prononcé d'emblée pour le service actif de Trois ans, sans même envisager le système des Milices organisées que Jaurès défend et que, peut-être pour cela, on a tendance à repousser à priori. Le Conseil supérieur de la Guerre a trouvé plus facile d'adopter un projet rigide qui renforce l'esprit césarien et augmente considérablement l'influence du commandement militaire en France.
Désormais, on peut dire que la tenaille militaire empoigne le citoyen à 21 ans et ne le lâche plus savie durant. Si ce sacrifice d'une année à la période où les jeunes gens ont le plus besoin d'apprendre et de travailler, pouvait servir à quelque chose ! Mais alors il faudrait orienter cet effort vers son maximum de rendement immédiat et DECLARER LA GUERRE A L'ALLEMAGNE SANS PLUS TARDER et ne pas rester sur le pied de guerre sans déclarer la guerre. Comme il est certain que l'Allemagne ne désarmera pas, qu'elle accroîtra au contraire ses effectifs en proportion de l'augmentation constante de population que lui assurent des mères prolifiques, il arrivera vraisemblablement un moment où ces masses se rueront sur la Gaule décadente comme elles se ruèrent sur l'Empire romain et s'y installeront à demeure, en conquérants. La République sera remplacée par une roi tributaire de l'Empire germanique et nous reculerons de deux cents ans en arrière.
Cette éventualité arrivera malgré les alliances de la France, car il ne faut pas perdre de vue que ces Alliés sont des royaumes ou des Empires, presque tous dans nos dettes, et qu'au moment suprême, ils hésiteront à se sacrifier pour leur créancière, [...] Les Rois sont solidaires et tous parents. Eux seuls réalisent l'Internationale.
Il faut donc que la France soit prête à déclarer la guerre à l'Allemagne, une guerre d'envahissement [...] Ce n'est qu'après une guerre victorieuse, une guerre de risque-tout, et le sacrifice librement consenti de 100 000 vies humaines, que les nations pourront enfin désarmer après l'écrasement définitif du fauve d'Outre-Rhin
Ce serait la seule utilité que pourrait avoir le service militaire de Trois Ans.
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Mais, si pacifique jusqu'au bout, la République [...] ne veut à aucun prix faire la guerre, si elle ne veut que se défendre en cas d'attaque, à quoi bon 3 ans au lieu de 2 ?
Que l'on fasse 3 ans ou même 4 ans, si l'on ne porte pas la guerre sur le territoire ennemi, l'on marche à la défaite et à la ruine du pays envahi. Si l'on ne veut que défendre ses foyers, une armée active de 2 ans serait suffisante à la condition qu'elle soit efficacement secondée par des Milices prêtes à se lever au premier signal. L'exemple de la Suisse montre que les Milices ont du bon. Un milicien, c'est un soldat dans ses foyers, vaquant à ses occupations, astreint seulement à quelques jours d'exercice et de tir par an. Il a, dans sa maison, son équipement, ses armes. Au premier appel, il part et rejoint son poste en quelques heures. Avec notre système actuel de réserve et de territoriale, il faut huit jours au bas mot pour équiper un soldat.
Le système des Milices est le meilleur pour une nation patriote, disciplinée.
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Est-ce le cas pour la France ? Nous ne le pensons pas ! En présence de l'extension croissante de la propagande socialiste et révolutionnaire en France, , il serait imprudent d'"armer la Nation". Les fusils des miliciens pourraient bien partir tout seuls et pas du côté que l'on pense. Cette éventualité ne serait pas tout à fait craindre chez les miliciens ruraux, plus conscients du devoir et de l'ordre, mais elle serait possible dans les milieux travaillés par l'anarchie communiste, les grandes villes, les ports.
Pour organiser des milices dont les armes ne se tourneraient pas contre l'Etat et qui ne serviraient pas à voler et assassiner, il faudrait apporter des restrictions aux lois de liberté d'association, de réunion, de parole, de presse. Du coup, M. Jaurès protesterait et il aurait raison.
Si l'on ajoute l'appréhension que le gouvernement d'un pays centralisé a toujours de voir les partisans des régimes déchus relever la tête pour arriver au pouvoir, même par la guerre civile, la peur, chimérique peut-être, mais que connurent Gambetta et Freycinet en 1870, de voir des nationalités assoupies comme la Bretagne se servir de leurs armes pour proclamer leur indépendance, il y a de fortes chances pour que la IIIe République (primo vivere) ne se range pas encore à l'avis plus ou moins intéressé de ceux qui appellent de leurs voeux les Milices organisées"
F. JAFFRENNOU
Ar Bobl, 24 mai 1913
Résumons la pensée de Taldir:
1) La loi de trois ans, qui augmentera les effectifs de l'armée française de moitié, n'offre qu'un avantage, et encore est-il momentané: celui de tenter une guerre offensive qui aurait deux buts: la mise hors d'état de nuire définitive (?) de l'Allemagne et donc l'avènement de la paix en Europe; la récupération de l'Alsace-Lorraine. On notera que Taldir sous-estime très largement le prix en pertes humaines d'une invasion de l'Allemagne
2) Les milices n'offrent que des inconvénients: seule la Suisse a adopté ce système; comme ce pays a proclamé sa neutralité, il n'a pas soutenu de guerre depuis des siècles: la "milice" n'a donc pu fournir la preuve de son efficacité Taldir fait donc ici fausse route. D'autre part, la dispersion des fusils de guerre dans les foyers des citoyens-soldats est source de déviations: le crime individuel, la guerre civile à caractère politique (Contre-révolution royaliste ou bonapartiste; délitement du territoire français par la proclamation d'indépendance de provinces périphériques)
3) Taldir se prononce donc pour le maintien des "Deux ans", associé au système des milices, qu'il a pourtant dénigré
Taldir revient sur le sujet un an plus tard, à 15 jours del'attentat de Sarajevo
"Pour ou contre les Trois ans ?
D'un côté, pour la loi des Trois Ans, tous ceux dont les doctrines sociales reposent sur l'élément militaire; tous ceux qui considèrent dans le Passé, l'histoire de la France à travers les guerres et les batailles et qui rêvent de la revivre ainsi; tous ceux qui n'ont jamais été simples soldats et pour qui l'amour de la Patrie se résume dans les mots "panache" et "plastron"; tous ceux qui croient de bonne foi au "péril allemand", soigneusement entretenu par les gazettes hostiles au régime; tous, plus nombreux encore, qui vivent de l'Armée et voient grossir leurs dividendes à mesure que grossissent les effectifs: les fourniseeurs de canons, les fabricants de chaussures, les tailleurs d'effets militaires [..]
D'autre côté se rangent contre la Loi de Trois Ans, ceux qui se réclament de principes démocratiques sincères [...] Tous ceux qui craignent, en prolongeant la durée du service militaire, de faire de la Nation une vaste caserne d'automates, soumis de l'adolescence à la vieillesse, à la discrétion du Sabre et bientôt prêts à toutes les servitudes, à tous les jougs, à tous les boulangismes; contre la prolongation du service militaire, ceux que soucient les besoins de l'Agriculture et du Commerce.
Un peuple de 38 millions d'âmes ne saurait aligner autant de fusils qu'un peuple de 60 millions. Et l'on en vient à cette conclusion: c'est que la Loi de Trois Ans a été votée hâtivement par un Parlement énervé sous le coup des discussions nées autour du Maroc; que, votée hâtivement, elle a été appliquée fort mal, de l'avis même des autorités militaires. On a appelé ensemble deux classes sous les drapeaux, sans que de nouvelles casernes eussent au prélable été construites [...] Et aujourd'hui, faute de place, faute de cadres, on ajourne 50 % des appelés, de sorte qu'en fait la loi n'est pas appliquée.
Dans la précipitation où cette loi a été votée, on s'est montré d'une férocité digne d'un gouvernement impérial en condamnant au travaux forcés et à la prison des centaines de soldats coupables d'avoir protesté contre la prolongation de leur activité, alors que, trois mois plus tard, le Ministère reconnaissait son erreur. [...] On obéit aux Alarmistes en ne prêtant pas l'oreille à la suggestion d'une armée de métier, bien que cette solution risquerait de favoriser une dictature.
On fait augmenter dans des proportions gigantesques le budget et on crie ensuite que la République ruine le pays et le conduit à l'abîme. Simple effet d'imagination. Malgré le poids des lois sociales, les moyennes fortunes s'arrondissent; seules les grandes fortunes s'écornent, en raison du farniente de leurs détenteurs. A l'extérieur, la Banque républiciane prête de l'argent à presque tous les trônes.
Il n' y a rien de menaçant dans la situation européenne [..] Il y a tout simplement que notre population décroît à mesure que le bien-être augmente. Le gros bon sens populaire se rit des oiseaux de mauvais augure qui prédisent la fin du monde quand il n'y a qu'eux de finis. Assez de comédies. Que l'on mette l'intérêt des Maisons Schneider-Krupp au-dessous de l'intérêt de l'Agriculture et de l'Industrie. Qu'on nous rende les deux cent mille hommes que nous dévore l'ogre napoléonien; que l'on se rende compte qu'une nation policée quoique peu nombreuse domestiquera les hordes barbares et qu'on ne compromette pas davantage la supériorité de l'Instruction supérieure en France par une prolongation d'une expérience fatale aux étudiants des hautes études"
François JAFFRENNOU
Ar Bobl, 13 juin 1914
L'argumentation de Taldir est parfois déroutante, déconcertante.
Il rejette la loi des Trois ans, car elle est soutenue par des nostalgiques de régimes réputés anti-démocratiques, elle profite aux marchands de canons (Schneider), elle a été mal appliquée, elle est inutile, d'une part parce qu'il n'y a pas de "péril allemand" et que, si, par malheur, ce dernier était réel, la loi de trois ans ne permettrait pas de combler la différence d'effectifs entre les armées allemande et française, en raison du fossé démographique (que Taldir, n'ayant que deux enfants, ne s'applique pas à réduire); elle est nuisible, car elle enlève des jeunes gens à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, et aux hautes études (Taldir est docteur es-lettres depuis 1913)
Suprême argument: la nation la plus civilisée (la française, évidemment), saura en cas de défaite apprivoiser et dominer les conquérants occupants... La collaboration, déjà ?
5) La franç-maçonnerie
« La Franc-Maçonnerie vous hait, et la Franc-Maçonnerie, c’est la France ! – F.J. »
Ar Bobl, n° 8, 12 novembre 1904
Beaucoup de députés, sénateurs, conseillers généraux, ministres appartiennent à des obédiences maçonniques diverses, qui ont en commun de combattre et réduire l’influence intellectuelle (le contenu de l’enseignement : la raison raisonnante), spirituelle
"Les Francs-Maçons - Sur 880 parlementaires, 226 F.M. dont plus de la moitié du Midi. Un seul élu breton est F.M.: de Kerguézec, député radical de Guingamp 1"
Ar Bobl, n° 177, 16 mai 1908
"Lanternes masquées " - Nous recevons la lettre suivante:
"Dans un entrefilet intitulé: "Mascarades cléricales", le correspondant de la Lanterne à Carhaix se dévoile encore en parfait type du vadécard anonyme. Animé d'une diabolique colère, il dénonce à la République, aux Ministres et au Préfet la ville de Carhaix comme coupable de lèse-trahison parce que, au jour de la Fête-Dieu, il y est édifié publiquement deux reposoirs [...] "L'un est bâti par un des plus fougueux cléricaux". Il y a un frère trois points dans cette ville, un vadécard qui n'oserait pas signer sa dénonciation de crainte d'être poursuivi par les huées publiques et qui va déposer ses petites ordures au loin, très loin, espérant ainsi échapper au mépris populaire. Un contribuable".
Ar Bobl, n° 41, 1er juillet 1905
6) Liberté, EGALITE, P R O P R I E T E
"L'égalitarisme est une haine qui veut se faire passer pour un amour" (Henri AMIEL, philosophe suisse, 1821-1881)
"Où sont-ils les socialistes ?
[...] Nous disons: "Tout le monde propriétaire !" Si l'on écoutait notre avis, la question sociale serait résolue en dix ans par le procédé suivant: tout propriétaire verserait à la Communauté , par chaque 1000 francs de revenus, un journal de terre (48 ares), les capitalistes se libèreraient dans la même proportion par un versement d'argent correspondant. Ces terres et cet argent versés à la Communauté seraient répartis entre les Gens qui ne possèdent rien, de façon que chacun ait un lopin de terre au soleil, lopin que la loi déclarerait inaliénable. Et voilà tous les pauvres devenus petits propriétaires. Le système est simple, facile et juste.
Mais les meneurs socialistes révolutionnaires ne veulent pas que tout le monde soit propriétaire, car, de ce jour, leurs conférences creuses, leurs grèves ruineuses, leurs petits bénéfices aux Bourses du Travail, seraient à l'eau: le socialisme aurait vécu et ils en vivent, du socialisme, en se fichant du réel intérêt du Travail, n'ayant qu'un but: s'enrichir eux-mêmes et appauvrir la Région"
F.J.
Ar Bobl, n° 82, 14 avril 1906
Taldir, qui épluche la presse parisienne, publie çà et là un article dont il approuve le contenu et qui a pour mérite de montrer qu'il n'est pas le seul en France de son opinion...
"Le parti socialiste
Nous lisons dans le Soleil : "Le discours d'Aristide Briand à Saint-Etienne témoigne d'une candeur exagérée, il croit évidemment encore qu'il existe un parti socialiste ayant un idéal et un parti radical ayant un programme; il les invite à s'unir s'ils veulent être forts et les sollicite de pratiquer une politique de concessions réciproques et de tolérance mutuelle.
Il paraît que tous ces gens qui, par calcul, routine, lâcheté ou sottise, prennent les qualificatifs de socialiste, radical, collectiviste, ne savent guère ce qu'ils signifient et n'ont même pas souci de l'apprendre. C'est affaire de mode, et selon les circonstances on ramasse l'étiquette, non pour l'idée qu'elle représente, mais pour les suffrages qu'elle vaut"
Ar Bobl, n° 55, 7 octobre 1905
Dernière modification le 17/04/2019