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3) traits de mentalité
Carhaix -« Le bourgeois de petite ville, vêtu d’un frac et d’un gibus, insupportable entre tous par son ignorance et sa fatuité, imbus d’idées apprises au café et au cercle de son petit trou - F.J ».
Ar Bobl, n° 30, 15 avril 1905
Jaffrennou fustige ici le « notable », généralement fonctionnaire (instituteur, directeur des Postes, agent du Trésor, agent-voyer) ou assimilé (chef de gare), mais aussi membre des professions libérales (pharmacien, médecin) ou rentier, ou encore gros commerçant, se disant de gauche et bouffant du curé, adhérant au « Cercle radical », vantard, ignare, plein de mépris pour les ruraux bretonnants. Le fondateur d’ar Bobl prétend incarner le véritable notable, Breton bretonnant, dont la famille a su s’élever par le travail et les études supérieures
Ar Bobl rapporte ici l’opinion d’un hebdomadaire finistérien de gauche : « Les paysans sont fermés à toute idée nouvelle, abrutis par le travail, l’alcool et les prêtres.. » Le Réveil du Finistère
Ar Bobl, n° 74, 17 février 1906
Carhaix - « Nous recevons de nos lecteurs carhaisiens une moyenne de trois lettres anonymes par semaine »
Ar Bobl, n° 18, 21 janvier 1905
Le goût et le besoin de la délation complètent ceux de la division et de l’insulte facile…
Carhaix – « 740 Carhaisiens bénéficient de l’assistance médicale et pharmaceutique gratuite, près d’un sixième de la population. Combien ne doivent leur inscription (sur cette liste des bénéficiaires) qu’à des services plus ou moins avouables ? »
Ar Bobl, n° 18, 21 janvier 1905
Jaffrennou fustige la « mentalité d’assisté », surtout quand l’aide reçue repose sur un favoritisme politique (« loyauté » ou « servilité » électorale ou, faut-il écrire, « féodale » ?)
« Depuis 1882, l’enfance s’habitue à croire que l’homme peut vivre et mourir sans Dieu en connaissant ses devoirs et surtout ses droits. Ni Platon, ni Thomas More, ni Cicéron n’ont cru que leurs Républiques pussent exister sans l’idée divine. Robespierre lui-même ne le crut pas davantage. Il envoya les athées à l’échafaud. Aujourd’hui, plus d’un député de 1882 commence à s’apercevoir de l’inconvénient qu’il y a à détruire dans les cervelles populaires la crainte des sanctions futures. N’a-t-on pas dit à ces petits que le seul but de la vie était la jouissance ? Or, placés au dernier échelon de la société, comment arriveraient-ils à réaliser ce but, s’ils ne supprimaient ce qui les gêne ? L’instruction comprise de cette manière a seulement préparé des citoyens qui n’ont plus d’autre Dieu que leur Moi »
Léon Le Berre, ar Bobl, n° 145, 6 juillet 1907
"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie"
Platon (427 - 347 av. JC), la République
La ligue « Pousse-moi-que-je-te-pousse »
Ar Bobl, n° 41, 1er juillet 1905
"La Franc-Maçonnerie - Elle n'a qu'un dogme, qui demeure invariable sous les variations des attitudes politiques, philosophiques et religieuses, et ce dogme, c'est la fortune de ses membres, l'exploitation de la société profane par les Francs-Maçons et pour les Francs-Maçons.
La Franc-Maçonnerie est une sorte de coopérative des faveurs et des honneurs, une société d'assurance mutuelle contre la justice. Elle poursuit et obtient malheureusement trop souvent, grâce à la solidarité et au secret assurés par ses serments spéciaux, ce double résultat: les francs-maçons bénéficient des charges et faveurs auxquelles leurs capacités personnelles ne leur donnent aucun droit; ils évitent les défaveurs, les désagréments et les châtiments qu'ils ont mérités par leurs méfaits.
Et, pour atteindre ce double résultat, tous les moyens sont bons: délation, calomnie, trahison de l'amitié, de la vérité et de la justice. Voilà la moralité, ou plutôt l'immoralité, des fiches que le Grand-Orient a dressées dans les archives du T*** Ch*** F*** Vadécard, à l'encontre de bons Français"
Ar Bobl, 3 décembre 1904
Moins de dix personnes, dans le Poher de 1905, sont membres de la Franc-Maçonnerie. qui n’a installé aucune loge à Carhaix…
Le travail – « Esclaves ou libres ? Aujourd’hui, ainsi que jadis, le travail est parfois dur. Il faut peiner pour vivre. On essaie alors de s’y soustraire - Jean Solu »
Ar Bobl, n° 21, 11 février 1905
Jean Solu, coiffeur-publiciste-tonnelier à Carhaix, représentant pour la Bretagne des Vins d’Anjou, chantre de l’église St-Trémeur, Président du comité local de l’Action libérale populaire, dépositaire de l’Action française à partir de novembre 1908, de la Croix, du Pèlerin, du Peuple français, de la Dépêche de Brest, du Nouvelliste de Bretagne et de l’Ouest-Eclair, est un membre éminent de la droite cantonale
« Travailler de moins en moins pour gagner de plus en plus » ?
« Le travail – Nous, nous disons : « le travail ennoblit l’homme ». Le Réveil blocard dit : « le travail abrutit, n’en f… plus une datte ». Entre les deux systèmes, les lecteurs impartiaux apprécieront ! - Fanch »
Ar Bobl, n° 74, 17 février 1906
Le Réveil blocard est une allusion au « Réveil du Finistère », journal radical-socialiste.
« Ceux qui ne parlent sans cesse que de bien-être et d’argent oublient […] qu’il faut les mériter ou les avoir mérités et que jamais un plébéïen ne s’élèvera d’un cran par la force du poignet s’il n’a pas décrassé son intelligence avant de songer à se parer d’habits luxueux - F.J. »
Ar Bobl, n° 311, 10 décembre 1910
Scrignac – Noce de la fille du maire
« 1400 personnes dans six tranchées doubles de 100 mètres. Il a été abattu et dépecé 4 bœufs, 2 taureaux, 2 génisses. 14 barriques de cidre, 5 barriques de vin et une d’eau-de-vie ont été mises en pièce. Deux tombereaux de pains de 10livres ont été consommés, le service était assuré par 100 personnes »
Ar Bobl, n° 38, 10 juin 1905
Un goût inextinguible de la fête, de la mangeaille ? Une pause avant le dur travail de la fenaison ? Une récompense accordée aux fidèles électeurs ?
Poullaouen – « Dans une paroisse de 3 400 habitants et de 800 électeurs, notre enquête nous a démontré qu’il ne se vend en tout que 16 journaux quotidiens et 40 journaux hebdomadaires. Il y a donc, dans cette commune, 50 hommes qui lisent. Il ya des masses de communes en Bretagne où l’ignorance de ce qui se passe et le dédain de ce qui s’écrit est aussi manifeste – Jaffrennou »
Ar Bobl, n° 217, 20 février 1909
LA FETE RELIGIEUSE: UN PRETEXTE POUR LA FETE PROFANE
L'hebdomadaire morlaisien "L'Echo du Finistère" (1905-1912) décrit, dans son numéro 40, daté du 8 septembre 1906, les fêtes de Châteauneuf-du-Faou
LA FETE PATRIOTIQUE: UN PRETEXTE POUR DES REJOUISSANCES EFFRENEES
Dans son numéro 28, daté du 16 juin 1906, l'hebdomadaire morlaisien "l'Echo du Finistère" donne le programme alléchant des Fêtes de la Tour d'Auvergne:
Elections législatives –
« Il s’est fait, dans les esprits, durant ces dix dernières années, un lent travail de désagrégation générale. Un sentiment nouveau s’est fait jour dans les classes supérieures ou instruites : c’est que les élections ne changent plus rien aux événements et n’entravent ni ne devancent en aucune manière notre devenir. Les candidats ne sont que des instruments aux mains d’associations nombreuses et variées dont les moindres actions sont commandées par deux mobiles : l’intérêt personnel et la passion de la prédominance »
Ar Bobl, n° 272, 12 mars 1910
Un constat lucide, empreint de tristesse, de résignation... Aucun régime politique, même le moins mauvais, n'est capable de modifier la mentalité humaine.
Et la liberté de la presse ?
Taldir en est la victime en 1906 et 1907
Le Courrier du Finistère, 7 juillet 1906
Le Courrier du Finistère, 21 juillet 1906
Ouest-Eclair, 21 février 1907
La propension à s'adonner à des manoeuvres électorales répréhensibles..
Spézet:
Le Courrier du Finistère, 2 juin 1906
A l'occasion des élections législatives de 1906, Olivet, maire républicain de Spézet, soutient Dubuisson, d'autant plus volontiers que ce dernier a voté contre la loi de séparation des églises et de l'Etat en 1905. Breniel, adjoint radical-socialiste, partisan convaincu de Nicol, prétend lire sans erreur "al leor ar bed" ("le livre du monde"); aussi est-il surnommé "reor ar bed" ("cul du monde").
Lors des élections législatives, les épithètes injurieuses et les basses manoeuvres font partie de l'arsenal des concurrents
Lors des élections de 1906, le résultat, serré, fut contesté par le perdant et donna lieu à une procédure d'invalidation du vainqueur devant la Chambre desDéputés. Le contestataire perdit derechef..
"Gourin - La réponse de Brard
En réponse à l'affiche de M. de Boissieu, député de la 2e circ. de Pontivy, annonçant sa validation, son concurrent malheureux, M. Alfred Brard, a fait également placarder une autre affiche où, en termes d'une violence inouïe, il traite M. de Boissieu de "canaille politique", de "menteur",de "maquignon réactionnaire", puis termine en lui envoyant par écrit...une giffle. On voit que M. Brard a lu dans les faits divers l'histoire du duel par écrit: "Monsieur, par la présente, considérez-vous comme gifflé" - "Monsieur, par cette autre présente, considérez-vous comme un homme mort !"
M. Brard ne pouvait faire voir son dépit de façon plus notoire qu'en rédigeant ce pamphlet"
Ar Bobl 4 oût 1906
"Réponse de M. de Boissieu
M. de Boissieu a fait placarder l'affiche suivante dans la 2e circonscription de Pontivy, en réponse à l'affiche de M. Brard intitulée "Réponse au député menteur"
"Mes chers électeurs, puisque l'ex-directeur de la Charrue ose me traiter de menteur, je vais vous faire juges.
Il n'y a pas de faux témoignages dans le dossier produit contre moi, déclare M. Brard. Mais comment donc qualifier certains témoignages et certains procédés de ses amis ?
A Lignol, ils affirment que si certains propriétaires de la commune ne sont pas venus voter, ce n'est pas du tout par crainte de violences, mais pour faire annuler l'élection si M. Brard passait.
A Lanvénégen, ils mette au défi de prouver que personne n'a été frappé alors que 22 électeurs sont déjà venus déposer des coups qu'ils avaient reçus devant la porte même de la mairie.
Au Faouët et à Langonnet, ils obtiennent par subterfuge des signatures contre lesquelles protestent aussitôt leurs auteurs dès qu'ils savent l'usage qui en a été fait.
A Meslan, ils déclarent que pour cause de politique, on leur a refusé leurs Pâques et ils les ont faites comme d'habitude.
Quant au fameux billet de confession, M. Brard a déclaré à la Chambre que ce n'était qu'une plaisanterie, qu'il ne s'était pas confessé. Ici, il le déclare authentique.
Electeurs, à vous de juger"
Ar Bobl, 18 août 1906
Et puis, certains lecteurs sont convaincus de l'inégalité des races humaines. Ils sont dans le droit fil d'hommes de gauche comme Ferry ("les races supérieures ont un devoir à l'égard des races inférieures"), de Clémenceau. La lettre qui suit n'a suscité, dans Ar Bobl, aucune polémique. Les opinions développées par son auteur semblent, en 1907, largement partagées.
"Les Noirs dans l'Administration Coloniale en Indo-Chine
Un de nos lecteurs coloniaux nous écrit:
"Il est malheureux de le dire: la France ignore ses colonies [...] Pourquoi le Gouvernement de la République française s'en remet-il aux soins des nègres de l'administration des colonies française ? (sic).
En Indo-Chine (et ceci les coloniaux le savent), à part le Gouverneur, les lieutenants-gouverneurs ou chefs de service, l'élément noir domine: administrateurs, juges, etc...[...] La Guyane, la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe détiennent l'assiette au beurre, c'est à peine si un Français y trouve un os à lécher. Dans ces pays, les études leur sont gratuites et faciles; l'Ecole coloniale leur est ouverte, des simulacres d'examen les favorisent [...] Dire que ces futurs administrateurs ne travaillent pas, ce serait sûrement mentir. Mais supposer un instant que cet élément représente la France, mensonge ou aberration de l'esprit que tout cela !
En Indo-Chine, les Français de France sont très estimés. Les soldats français ont conquis le pays, leur esprit chevaleresque, libertaire et fraternel a gagné le monde annamite. La civilisation jaune, très réelle, contraire peut-être à la nôtre, a ceci au moins de commun avec elle: le Progrès dans la Liberté [...] Depuis deux mille ans, la civilisation orientale va progressant. Les Noirs n'ont que cinquante ans de civilisation. En 1848, ils étaient esclaves; aujourd'hui, ils sont nos maîtres dans nos propres colonies. Nous devons toujours nous souvenir que ce sont des hommes, mais est-ce nécessaire que la France, en reconnaissant en eux des hommes libres, fassent d'eux nos chefs ?
[...] Je me rappellerai toujours ces paroles d'un Annamite, appelé en Correctionnelle:"Obéir à un Français ? Oui ! C'est le conquérant. A un noir ? Jamais ! C'est un inférieur ! La France n'a pas conquis le pays pour les Malabares (1) !"
Un nègre fut son juge, un nègre le condamna; cet Annamite est au bagne...pour l'amour de la France !!!
[...] Et la faute, puisque faute il y a, provient de l'amour de l'égalité des hommes sans tenir compte des races, des milieux, de la civilisation, c'est-à-dire de la science illustrée par Darwin [...]
Je dirai dans un prochain article l'action néfaste des noirs au point de vue de la colonisation
J. Le M..."
Ar Bobl, 16 mars 1907
(1) L'île de Malabar se situe au large de l'Afrique de l'Est et fait partie de l'archipel des Seychelles
Dernière modification le 30/07/2018