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LES TENANTS DE L'EGLISE.
Et, à tout seigneur, tout honneur: ar Bobl...
« Ar Bobl qui, de l’avis même de beaucoup de membres du Bas-Clergé des campagnes, a rendu à la cause religieuse quelques services- F.J »
Ar Bobl, n° 195, 19 septembre 1908
« L’ar Bobl, journal régionaliste et réactionnaire de Carhaix, recommande au premier tour la candidature de M. Nicol, radical-socialiste, si nettement que ce dernier crut nécessaire de répudier ce patronage trop compromettant »
Le Sous-Préfet de Châteaulin au Préfet du Finistère, 2 mai 1910, archives départementales du Finistère, 1 M 135
« Les Frères Kernével, les chanteurs bretons bien connus, ont été reçus récemment en audience par le Pape Pie X. Ils nous ont écrit qu’étant entrés dans la salle de la Bibliothèque du Vatican, ils ont eu le plaisir d’y lire Ar Bobl, qui s’y trouvait classé par mi les journaux catholiques »
Ar Bobl, n° 220, 13 mars 1909
Carhaix - A propos de la conférence socialiste du 5 août 1910 à Carhaix:
« C’est l’Eglise qui a pratiqué le meilleur socialisme; elle a toujours soulagé la misère des peuples, elle a enseigné la charité aux hommes.... » Le Roux, collaborateur de Ar Bobl
Ar Bobl, n° 294, 13 août 1910
"Quand on rencontre parmi vous un si grand nombre d'électeurs qui pratiquent leur religion et qui pourtant votent mal, on ne sait comment expliquer cette contradiction [...] Vous vous montrez susceptibles quand vos prêtres vous rappellent les principes qui doivent vous guider dans l'accomplissement du devoir électoral. Ils ont pourtant raison de le faire, car le devoir dont ils vous parlent est gros de conséquences"
Lettre pastorale, lue ne chaire, de Mgr Duparc, Semaine religieuse de Quimper et Léon, 1er mars 1912
« L’ecclésiastique qui, en dehors de son ministère, s’occupe de propagande électorale sans commettre d’actes répréhensibles, ne fait qu’user de son droit de citoyen »
Ar Bobl, n° 172, 11 avril 1908
Une affirmation âprement rejetée par les anticléricaux, aux yeux de qui le prêtre doit se cantonner aux rites ecclésiastiques et ne toucher à la politique qu'à travers son vote personnel, qui doit demeurer secret.
« Le catholicisme est en discrédit auprès de certaines gens. Pourquoi ? D’abord, certes, parce que les hommes mauvais sont aussi d’infatigables semeurs de doctrines perverses, parce que les mauvais pasteurs ont essayé d’égarer les chrétiens et que leur action a été continuelle et persévérante.
Mais il est une autre raison : parce que les chrétiens ont été mous, indolents et lâches, parce qu’ils ont préféré la tranquillité, parce qu’ils ont paresseusement contemplé l’activité de leurs adversaires.. Puis le temps a fait son oeuvre, le peuple habitué à voir toujours du côté libéral l’apathie et l’indifférence, la recherche de l’intérêt personnel, a fini par croire que notre Foi est une doctrine d’égoïstes jouissances : il a pensé que le Christ n’avait pas prêché le sacrifice et la tolérance, puisque ses fidèles ne savent pas supporter l’un ni pratiquer l’autre. Il s’est dit que notre Dieu n’était pas un Dieu de vie et, riant sur ce cadavre divin, il s’est préparé à l’enrouler dans un linceul. Jacques Fonlupt »
Ar Bobl, n° 22, 18 février 1905
Ar Bobl retranscrit un article de haute volée intellectuelle dont tous les lecteurs ne comprendront ni tous les mots ni toutes les allusions. L’auteur s’en prend aux élites catholiques (nobles, bourgeois) qui, par leur comportement sectaire et égoïstement matérialiste, ont porté gravement atteinte au christianisme. Celui-ci, aux yeux de beaucoup de gens du peuple, aurait, au terme de dix-neuf siècles d’existence, fait son temps…
François Jaffrennou interpelle ironiquement ses contemporains bas-bretons dans un article intitulé « Des curés, n’en faut plus ! » :
« Si vous envoyez au diable tous les curés ensoutanés, c’est pour prendre des curés défroqués !
Si vous rejetez le goupillon, c’est pour manier plus aisément la canne matraque !
Si vous vous moquez de la croix, des cérémonies et des ornements de l’Eglise, c’est pour vous extasier devant les livrées de vos fonctionnaires dorés sur coutures !
Si vous déchirez les bannières, c’est pour pendre à la même hampe vos chiffons rouges ! […]
Mais des curés, il vous en faut . C‘est plus fort que vous »
Par "curés défroqués", Taldir entend "instituteurs publics". La "canne matraque" désigne les policiers chargés de ficher les opposants. Les "fonctionnaires dorés sur coutures" sont les sous-préfets et préfets. Le "chiffon rouge" est le drapeau rouge, celui des Sans-Culottes de 1792-94, des "partageux" de 1848, des "Communards" de 1871...
Carhaix - Mgr Dubillard, Evêque de Quimper et Léon, homélie prononcée lors de l’inauguration de la salle du patronage de Carhaix [1], 2 avril 1905
«On nous accuse, on m’a accusé, moi personnellement, de pousser à la guerre civile ; mais non ! Ce que nous voulons, c’est la paix ! Nous sommes d’abord des hommes de paix. Ah ! Je ne veux pas dire par là qu’il ne faille pas fourbir les armes, mais par ces armes j’entends, non pas des armes matérielles, mais des armes spirituelles, des armes de science. Il s’agit de repousser l’impiété envahissante.
Il est des hommes qui, disent-ils, ne croient à rien : ils parlent cependant au nom de la Science, mais allez leur demander d’où ils viennent, ce qu’ils sont, où ils vont, ils se tairont et ne sauront vous répondre […] Ils ne savent rien, rien, et pour eux notre destinée est de vivre comme des bêtes et après, de rentrer dans un trou de terre pour y sommeiller éternellement.
Au contraire, la religion nous dit que l’âme est immortelle et lorsque disparaîtra notre chair, notre âme remontera vers le ciel. Eh bien, pour mériter cette glorieuse destinée, il faut travailler, il faut suivre l’Eglise, qui possède la Vérité et la Vie. Nos ennemis marchent à la mort : ils ne feront rien d’utile pour l’humanité.
Qui ne voit que nous sommes lancés dans une lutte aigüe et qui pourrait rester indifférent ? ... La Démocratie est un bête dangereuse et qui veut tout engloutir... Il vous faudra enchaîner cette Démocratie dans les liens de la religion... »
Ar Bobl, n° 29, 8 avril 1905
[1] Salle du patronage Saint-Louis, rue Renan, future salle de cinéma, récemment détruite
Une homélie de combat, prononcée par l’Evêque de Quimper. Au-delà de la frontière hermétique séparant ceux qui croient en l’existence d’une vie après la mort terrestre et ceux qui la nient, ce prince de l’Eglise insiste sur la nécessité de pérenniser le Concordat de 1801, qui maintenait entre l’Etat (la Première République, puis le Premier Empire, la Monarchie restaurée ou louis-philipparde, le Second Empire, la Troisième République) et les prêtres, pasteurs, rabbins , un lien essentiel : le traitement qui faisait de ces derniers des fonctionnaires religieux. Un combat d’arrière-garde, puisque trois mois plus tard, une majorité des députés élus en 1902 derrière la bannière du « Bloc des Gauches » accepte la Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat.
Et puis, des notables..
De rares nobles...
Le Comte de Saisy, dont des ancêtres émigrèrent lors de la Révolution, est ici représenté en uniforme de zouave pontifical, défenseur du Pape et des Etats du Saint-Siège dont Rome est la capitale, contre une armée italienne soutenue par la France de Napoléon III, le "Petit". Ce vitrail, financé par la famille de Saisy, est visible dans l'église de Plouguer... Un comte de Saisy est député du Finistère de 1885 à 1889.
Le candidat patronné par Taldir en 1906; inconnu dans la circonscription de Carhaix; distancé par Dubuisson au premier tour, battu au second tour
in Ar Bobl, n° 85, 5 mai 1906
Beaucoup de "bourgeois"...
Carhaix – « M. Marchais se plaint que dans son quartier les chiens eux-mêmes le bercent le soir aux cris de « A bas la calotte ! » - Lettre du Maire Anthoine à ar Bobl
Ar Bobl, n° 42, 8 juillet 1905
Médecin réputé, conseiller municipal catholique, Marchais siège tantôt dans la majorité du Conseil, lorsque celle-ci est pluraliste, tantôt dans l’opposition, lorsque la majorité est « sectaire »
« Marchais, médecin, a deux filles chez les Ursulines, un fils à l’école publique. Il est accusé d’avoir empêché l’établissement d’une école primaire supérieure à Carhaix »
(Rapport du Sous-Préfet de Châteaulin au Préfet du Finistère, février 1908, archives départementales du Finistère, 1 T 18)
Carhaix – « A l’occasion de la béatification de Jeanne d’Arc, M. de Léseleuc a représenté, à Rome, les catholiques carhaisiens »
Ar Bobl, n° 226, 24 avril 1909
Long et coûteux voyage, entrepris de concert avec des catholiques du diocèse..par le président du conseil de fabrique de Carhaix. Noble, né en 1862, propriétaire, assureur, conseiller municipal pendant un quart de siècle, l'homme descend d'une lignée qui donna un évêque d'Autun; son grand père fut médecin à Carhaix sous le Second Empire, son père juge de paix dans la même cité aucours des dernières décennies du 19e siècle..
« Hervé de Saisy, Sénateur inamovible, décédé en 1904 »
Ar Bobl, n° 6, 26 octobre 1904
Membre de la famille des comtes et vicomtes de Kerampuil, en Plouguer. Le Gouvernement d’ « Ordre moral » nommé par Mac-Mahon, Président (royaliste) de la République (24 mai 1873 – 30 janvier 1879) avait pris la précaution d’instituer des « sénateurs inamovibles », donc à vie, évidemment conservateurs, c’est-à-dire monarchistes et ultramontains (un sergent de Saisy est décédé le 24 novembre 1870 à Brou (Eure-et-Loir) sous l’uniforme des zouaves pontificaux dans un combat contre les Prussiens) , afin de retarder, voire d’empêcher la venue, au sein de la Haute Assemblée, d’une majorité républicaine. Mais la mort réduit inexorablement leur nombre et leurs sièges sont soumis, après leur décès, à élection.
Des bourgeois et des paysans aisés:
Le Courrier du Finistère, 8 octobre 1910
Collorec – « Décès de Jean-François Corbel :
Né en 1844. Trois ans à l’école d’agriculture de Trévarez en Saint-Goazec. Il a introduit la première charrue de fer dans la commune. Conseiller municipal et maire (nommé) à 27 ans, jusqu’en 1908 (élu en 1884, 1888, 1892, 1896, 1900, 1904). Candidat en novembre 1888 au Conseil d’arrondissement contre Dubuisson, en juillet 1889 au Conseil général contre Guéguen, en avril 1902 à la Chambre contre Dubuisson »
Voici le compte-rendu des funérailles de Jean-François Corbel, rédigé par un journaliste de droite catholique
Le Courrier du Finistère, 12 juillet 1913
Le programme du maire de Collorec, fils du précédent, candidat libéral aux élections législatives de 1914..
Courrier du Finistère, 25 avril 1914
Résumons:
Patriotisme défensif: appui accordé à la loi de trois ans, même si celle-ci suscite l'animosité sourde de la paysannerie
L'école privée doit être subventionnée par l'Etat, au nom du principe de l'égalité
La France, fille aînée de l'Eglise catholique et romaine, doit se réconcilier avec le Vatican
Revendication d'un changement de mode de scrutin législatif, afin de diminuer l'emprise radicale et radicale-socialiste
Suppression de l'impôt foncier: la terre est un outil de travail et non un signe extérieur de richesse
Aide multiforme accrue aux familles nombreuses (allocations, transports ferroviaires gratuits, pères de famille nombreuse disposant de plusieurs bulletins de vote, etc...)
Des familles églisières....Ainsi à Spézet
Le Courrier du Finistère, 28 janvier 1911
Carhaix – « Mme Hortense Le Née
Dans le cimetière de Carhaix, au détour d’une allée : la pierre tombale de Mme Le Née, bienfaitrice de l’hospice, qui bâtît la chapelle Sainte-Anne à ses frais et mourut en 1886 »
Ar Bobl, n° 202, 7 novembre 1908
Carhaix encore:
Semaine religieuse de Quimper et du Léon, 6 octobre 1905
Quelques « intellectuels » de droite, de modeste volée, se taillent une réputation locale, voire départementale, comme Hervé D., né à Collorec le 22 novembre 1870, fils de paysan. « Sa vive intelligence fut remarquée par l’abbé Kérisit, recteur de Berrien, qui s’occupe de son instruction. Il fit ses études tout d’abord à Saint-Pol-de-Léon, puis à Pont-Croix. Il ses destinait à la carrière médicale mais, guidé par l’abbé Treussier, directeur du Grand Séminaire, il entre au service de la Presse libérale du Finistère en février-mars 1896 […] Il montra dans ce travail un esprit lucide et se révéla, non seulement excellent journaliste mais aussi polémiste hors-ligne. […] Lors de son mariage, le 23 octobre 1898, avec A-M. C., fille de l’ancien maire de Collorec, le rédacteur en chef du Courrier du Finistère ne tarit pas d’éloges (à son endroit) » Lucien Raoul, Un siècle de journalisme breton, Le Signor, Le Guilvinec, 1981, pp 229 -230
Rédacteur au clérical Courrier du Finistère, et collaborateur du journal « ar Bobl » sous le pseudonyme d’Hervé Claude, Diraison est un farouche adversaire de la laïcité ; aux yeux de ce journaliste, dont le grand père fut le parrain de l’une des cloches de l’église de Collorec, les instituteurs publics sont des « mouchards officiels », les écoles laïques (« skoliou dizoue », « écoles sans Dieu ») des « nids de pourriture », des « pépinières de criminels ». L’homme laboure les communes entourant Collorec ; ainsi de Plonévez-du-Faou :
« J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’un comité de l’ »Action libérale » vient de se fonder à Plonévez-du-Faou. Ce Comité a, comme président, M. M…, Président du Conseil de fabrique ; comme vice-président M. L’H., conseiller municipal, frère du vicaire de Scrignac, comme trésorier M. L. M…., receveur buraliste dont la révocation promise depuis deux mois, n’a pas encore été officiellement annoncée.
Une conférence politique, organisée par le comité, a été faite dans cette commune, le 17 janvier par M. D., rédacteur du journal le « Courrier du Finistère ». L’effet produit sur l’auditoire, composé de 70 à 80 personnes, dont une vingtaine de républicains, a été pitoyable. L’orateur, dont la voix serait très faible, ne parvenait pas à de faire entendre. Il a parlé du budget, des dettes de la France, du traitement du Président de la République, des Ministres, des Députés, des Sénateurs, reprenant de façon maladroite des développements connus. M. D… est né et marié à Collorec. Il est arrivé à Plonévez-du-Faou en compagnie […] du vicaire qui mène une campagne acharnée et qui l’avait sans doute invité à venir se faire entendre. Le desservant n’assistait pas à la réunion » [2] .
[2] Lettre du sous-préfet de Châteaulin au préfet du Finistère et adressée par ce dernier au Ministère de l’Intérieur (affaires politiques), 17 janvier 1904, ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DU FINISTÈRE, 3 M 623
Décédé à Brest à trente-huit ans, Diraison est inhumé à Collorec.
En 1914 le candidat catholique d’affinités royaliste et régionaliste Alfred Lajat (1872-1958), imprimeur de la cléricale «Résistance » et de l’ »Echo du Finistère », beau-frère de François Jaffrennou et frère d’un prêtre, est « parachuté », pour le premier tour des législatives, dans la circonscription de Carhaix ; ce fils d’un pharmacien a songé à entrer dans les ordres, mais le journalisme est sa vocation véritable ; l’homme est un défenseur de la langue bretonne (barde « Mab an Argoat » : « fils de l’Argoat »); il encense ici les trois libertés fondamentales: : « Liberté de conscience, liberté d’association, liberté d’enseignement.. Je défendrai sans trêve la représentation proportionnelle [...] la suppression de sous-préfets et des fonctionnaires inutiles » (Déclaration, ar Bobl, 16 avril 1910).
Châteauneuf-du-Faou – « Fondation de la Ligue patriotique des femmes françaises ; devise « Evit Doue, ar Frans, al Liberte ! »[2]
[2] "Pour Dieu, la France, la Liberté"
Ar Bobl, n° 53, 23 septembre 1905
Il s’agit d’une association de femmes aisées, généralement instruites, germanophobes, dévotes, attachées au breton et le pratiquant avec les domestiques, les clients mais non en famille, hostiles à la Loi de Séparation et craignant, à l’avance, les « inventaires » des églises. Elles sont tout au plus une quinzaine, dont les enfants ne fréquentent évidemment pas l’ « école sans Dieu »
Châteauneuf-du-Faou – « Journée sillonniste:
Avec la participation du Cercle Jeanne d’Arc de Châteaulin -Messe – Chants du Sillon. Salut solennel du Saint-Sacrement à l’église »
Ar Bobl, n° 69, 13 janvier 1906
Le Sillon, fondé en 1894 par le polytechnicien Marc Sangnier - disparu en 1950 - et expression politique du courant démocrate-chrétien, prêche l’acceptation du suffrage universel, « seule source légitime de pouvoir » (Duroselle) et envisage même une collaboration parlementaire et gouvernementale avec le parti socialiste...Marc Sangnier estime que « pour être du Sillon, il faut être catholique et avoir confiance dans l’avenir de la démocratie ». Le Sillon contient en germe le Mouvement républicain populaire (MRP), créé en 1944.
Carhaix - Toast de Jean Solu, lors de la cérémonie des vœux d’ar Bobl : « Le parti libéral, dont j’ai l’honneur d’être ici le représentant (affirme) qu’entre ar Bobl et lui-même existe un lien que rien ne saurait rompre, ensemble nous avons combattu pour la justice et la liberté..[..] Je lève mon verre à la santé du clergé »
Ar Bobl, n° 120, 12 janvier 1907
Jean Solu, commerçant toutes mains (boissons, journaux), artisan coiffeur et chantre de l'église Saint-Trémeur de Carhaix, ne passe pas inaperçu à Carhaix... où il milite activement au grand jour pour la "collaboration des classes":
"A côté de quelques idées supérieures comme l'idée religieuse, l'idée de patrie ou de famille, l'idée de la profession organisée apparaît comme une idée profonde. Les patrons sont nécessaires aux ouvriers autant que les ouvriers aux patrons. Les solutions proposées par nos adversaires conduiraient infailliblement au collectivisme, c'est-à-dire au pire des esclavages - Jean Solu"
Ar Bobl, n° 295, 20 août 1910
Des communes...
"Collorec, commune réactionnaire où l'on compte quatre républicains dont je pourrais donner les noms"
Rapport du Sous-Préfet de Chateaulin au Préfet du Finistère, 1er novembre 1906, archives départementales, 1 M 135
"Collorec - La Fête de Jeanne d'Arc a été particulièrement brillante cette année. Une procession aux flambeaux se déroulait dans le bourg entièrement pavoisé et superbement illuminé. Un joyeux feu d'artifice fut ensuite tiré".
Semaine religieuse de Quimper et du Léon, 9 mai 1913
SOUSCRIPTION ouverte par Ar Bobl en septembre 1907
Voici quelques suscriptions et noms de donateurs :
« Pour protester contre les casseroles !
Vivent les Ursulines !
Abbé M., curé de Scrignac.
A bas les fainéants qui osent rester sans profession
Cloarec, instituteur libre à Carhaix
Le Comité de l’Alliance libérale populaire de Carhaix
Docteur Le Gall, Châteauneuf-du-Faou
A bas la clique ! Une bonne Bretonne.
Un catholique
Vivent les sœurs !
A bas les Normands et les juifs !
Un sujet du Pape, à Maël-Carhaix
Pour en boucher un coin aux ennemis du peuple !
D’an traon ar franmasoned !
Un Silloniste, Berrien
Un ancien sous-officier, Motreff
Pour payer une grosse pipe en écume de m... à papa Dubuisson
Un capitaine des volontaires de Cathelineau en 1870, Carnoët
Un Silloniste, du Moustoir
Héphaïstos et ses cyclopes contes de river le boulet du Vieux !
Un ouvrier antiblocard
Vive les catholiques !
A bas les juifs !
Louis le Menn, evid distro an divroidi da Normandi
Vive la liberté ! Un conseiller municipal de Carhaix
Un jaune régionaliste»
Les sœurs sont évidemment les Ursulines. La première expression bretonne signifie : « A bas les francs-maçons ». Le Vieux est une allusion au député Dubuisson, né en 1842, âgé en 1907 de 65 ans (l’espérance-vie masculine est alors de 50 ans). La seconde expression bretonne signifie : « Afin d’organiser le retour des apatrides vers la Normandie » (allusion à Lefranc).
Un jaune est un syndicaliste partisan de la collaboration des classes, des patrons et des salariés.
Quelques traits saillants de la composition de l'agrégat conservateur et certaines lignes de force de l'univers idéologique et affectif de la droite catholique apparaissent: un quarteron de membres de l'Eglise ou de satellites (instituteur libre) sur lequel se greffent des militaires (alliance du sabre et du goupillon) et, curieusement, deux ouvriers de droite, sans doute en délicatesse d'humeur ou d'opinion dans leur milieu professionnel, en tout cas hostiles à l'utilisation du droit de grève. Une pincée d'ultramontanisme, un attachement reconnaissant aux "bonnes soeurs" enseignantes ou soignantes, une trace de démocratie chrétienne dans l'Arrée, un souvenir de l'insurrection vendéenne de 93, un solide mépris à l'égard des paresseux et surtout la haine à l'égard du Bloc des gauches, de ceux qui l'utiliseraient à leurs propres fins, les francs-maçons et de celui qui l'incarne, le député Dubuisson, de lointaine origine normande et grand fumeur de pipe. Régionalisme, c'est-à-dire anti-jacobinisme, anti-parisianisme, corsé d'un soupçon d'anti-fonctionnarisme. Brochant sur le tout, l'écho à peine assourdi d'une idée d'envergure nationale, assez mal adaptée aux réalités socio-religieuses locales: l'antisémitisme. A cet édifice idéologique, il ne manque qu'une pièce, il est vrai essentielle, la querelle scolaire..
« Dreyfus, c’est entendu, est une innocente victime ; ainsi l’a proclamé la Cour de Cassation. N’empêche qu’une bonne moitié des Français le tint pour coupable pendant plusieurs années et que de fortes présomptions militaient en faveur de cette opinion. D’autres Français, sans trop savoir pourquoi au début, soutinrent énergiquement l’innocence du capitaine. L’or hébraïque, amassé patiemment par un travail séculaire, dut être versé à flots, car Dreyfus trouva des défenseurs qu’un Français d’origine n’eût pu espérer. Après six années de crise et de luttes, les Sémites et leurs alliés l’emportèrent »
Ar Bobl, n° 187, 25 juillet 1908
Depuis que le clergé catholique et des détenteurs de grosses fortunes ont aidé Taldir à ressusciter son journal, notre homme doit accentuer un antisémitisme foncier jusque-là fort discret:
"Hérédité de race - Elle est très bien cette petite note officielle:
"M. Alexandre Lévy-Lehrmann Strauss est nommé adjoint au maire du 2e arrondissement de Paris, en remplacement de M. Aaron, démissionnaire"
Y aurait-il un article de la Constitution qui réserve aux juifs les fonctions d'adjoint au maire du 2e arrondissement ?"
Ar Bobl, 7 novembre 1908
Une pincée de socialisme bien compris
"Un travailleur illettré a droit à notre appui, mais voisine la bestialité [..] J'ai vu, au Pays de Galles, des ouvriers modèles ceux-là, qui s'adonnent à la culture de l'esprit. Ils ont des pianos pour leurs enfants et se rassemblent le dimanche pour organiser des choeurs celtiques et créer des fanfares.
Nos ouvriers bretons n'ont pas encore acquis cette situation. Ils n'en sont pas moins dignes d'intérêt et les régionalistes leur signaleront de temps en temps la bonne voie et le péril politique.
Celui-ci est un cancer rongeur. Les ouvriers ne devraient pas, en principe, s'intéresser à la politique. Lorsqu'ils s'y intéressent, ils perdent la tête et votent pour leurs plus irréductibles ennemis, les Radicaux, les professionnels d'Anticléricalisme, qui veulent se tailler des situations en exploitant les passions du jour et en encensant les hommes du jour.
Les socialistes sincères, anti-révolutionnaires, doivent éclairer le travailleur; les autres, imbus d'idées de justice, soucieux de voir la haine vaincue, doivent leur donner la main dans ce sens"
JAFFRENNOU
Ar Bobl, 1er août 1908
Si l'on dissèque la pensée de Jaffrennou, les ouvriers bretons pauvres, guettés par le chômage, les accidents du travail, une natalité galopante, l'alcoolisme, ne devraient pas faire confiance aux élus radicaux qui les mènent en bateau (promesses non tenues); s'ils veulent accéder à une situation acceptable, ils doivent faire confiance à une coalition probe et désintéressée de socialistes clairvoyants (comme Briand), de conservateurs libéraux, et de REGIONALISTES ("les autres") soucieux du bien de tous les Bretons.
Une pincée de nationalisme:
"Peut-on espérer, tant qu'il est temps encore, que la Gaule ressaisisse sa tradition nationale, polluée par le judaïsme allemand des théoriciens de l'anarchie, Karl Marx et Bebel ?
Ar Bobl, n° 222, 27 mars 1909
Motreff – « Les « paotred Motreff » dirigés par l’abbé Le Gall ont donné une représentation populaire »
Ar Bobl, n° 297, 3 septembre 1910
Nostalgie du temps où les paroisses étaient laissées aux soins polymorphes du recteur..
Laissons le soin de conclure à un prêtre de combat:
Prêchant, en 1913, lors du pardon de Notre-Dame des Portes à Châteauneuf-du-Faou, M. Méar, recteur de Plouyé, s’exclame : « La France est une grande pécheresse » (Journal des recteurs de Plouyé)
De là, un certain dégoût pour une certaine République...illustré dans une entrefilet au vitriol paru dans l'hebdomadaire morlaisien "L'Echo du Finistère" (n° 137, 18 juillet 1908)
L'Echo du Finistère, Morlaix, n° 148, 3 octobre 1908
Dernière modification le 25/07/2018