Ar Bobl (1904 - 1914)

Le journal de Taldir Jaffrennou: "le Peuple"

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14/08/2023

          Cette page a été complétée en avril 2017, février, novembre 2018, recomposée en janvier 2019

              En juillet 2019, un ajout de quelques lignes, datant de juillet 1909

Le cloaque carhaisien...

 

1) Une ville rurale, pleine de jardins et de champs...

[JPG] Carhaix ville agricoleEn bas et à droite, l'école primaire de la commune de Plouguer - Au centre, l'église de Carhaix et la place aux chevaux

 

Et même de vaches...

 

[PNG] rue Fontaine Lapic

   Rue de la Fontaine Lapic; à droite, vestiges du mur-rempart du château démantelé au 16e siècle; rues non empierrées, maisons en ruines; quatre personnes pour "conduire" trois vaches... Tombereau à grandes roues cerclées de "fer", tiré par un seul cheval.

    (Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Histoire de rues, Carhaix, Keltia Graphic, 1991)

 

   Les modes de transports entre ville et campagne sont souvent traditionnels: la marche à pied, le char-à-banc, le vélo (assez rare), la voiture automobile (rarissime), le chemin de fer (très utilisé), le cheval à cru, en amazone, telle cette femme, en coiffe et sabots de bois, perchée sur une grande jument, traversant la place de l'église Saint-Trémeur pour aller au marché, y vendre des produits de son petit champ.

[JPG] amazone Carhaix

Le Carhaix de la Belle Epoque n'était qu'une toute petite ville (3500 Habitants en 1911), comportant quatre places, l'une pour les cérémonies militaires et les danses, une deuxième pour le commerce des animaux à cornes, une troisième pour celui des chevaux, une dernière pour le marché. Quelques rares hôtels, des halles, un château "rouge" notarial (en briques) datant de 1900, une jolie mairie, une importante gare de chemins de fer, deux rues commerçantes conféraient à cet ensemble  une note "ville à la campagne".

   En effet, si beaucoup de campagnards se rendaient parfois (foire du 13 mars, foire de la Tousaint, foire dite de Kala Goanv) ou souvent (tous les samedis) à "la ville", quelques citadins se rendaient aux champs pour y travailler ou surveiller le déroulement des travaux agricoles dans leurs exploitations.

   Dans la ville, quartiers bâtis et champs, vergers, jardins s'interprénètrent comme l'attestent la carte postale ci-dessus et l'affiche notariale ci-dessous, parue dans le numéro du 1er octobre 1904

     (la rue neuve est l'actuelle rue de Bazeilles ; une énigme: le "parc-ar-synagogue". Si tant est qu'une communauté juive ait jamais existé à Carhaix, elle n'a jamais été numériquement nombreuse ni religieusement active; la construction d'une synagogue a peut-être été envisagée dans ce champ qui porte son nom).

 

   [PNG] Carhaix champs 01 10 1904 n 2

 

2) Carhaix : un vieille ville

    "Carhaix, si loin de tout, et si vieille, si vieille, si harmonieusement vieille que le moindre mur neuf qu'on y élève semble au passant une faute de goût sacrilège, la petite ville de Carhaix se trouve au fond de tout, entre le Finistère et les Côtes-du-Nord, en un point de la carte rarement fréquenté.

   Qu'ils sont vieux tous ces toits formés de toutes petites tuiles, de toutes petites et très épaisses ardoises, à l'apparence d'écailles, sur ces vieilles maisons de pierre, de bois, sculptées, fouillées, ridées, lézardées, moussues, avec des niches dans tous les coins, des saintes-vierges, des saints et des chevaliers armés [....]"

       Ouest-Eclair, 1er avril 1904

 

[JPG] vieille maison place Mairie   Maison datant du règne de Louis XIII; murs en moellons d'ardoise taillée; boutique au rez-de-chaussée protégée de la pluie; logements au premier étage, soupente au-dessus, grenier  au sommet, sous un toit fortement pentu...

  (Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix, Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

[JPG] Place de la Mairie

  Le coeur politique de Carhaix, un jour de Fête nationale; c'est l'ancienne place des denrées

  (Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix, Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

[JPG] Place du duc d'Aiguillon

La place du Duc d'Aiguillon, gouverneur de Bretagne en 1753 et organisateur d'un grand réseau routier de désenclavement partiel de la péninsule. C'est l'ancienne place au beurre; les maisons occupant le fond de cette image existent toujours telles quelles et ont été classées. 

(Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix, Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

[JPG] rue Brizeux ancienne rue du Pavé

   La rue Brizeux, joignant l'église Saint-Trémeur à la place de la Mairie, au-delà à la rue des Carmes; c'est le cardo (axe Nord-Sud) de l'ancienne Vorgium romaine; au premier plan à droite, vue partielle de l'ancienne Maison du sénéchal du Roy.

(Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix, Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

[JPG] Carhaix senechal  

Au croisement des deux axes structurant l'ancienne Vorgium s'élève la maison du sénéchal du roy (à la fois, commissaire de police et juge); l'éclairage public des rues est encore, au début du XXe siècle, sinon dans les limbes, du moins encore balbutiant. A droite vieille bâtisse étranglant la rue Félix Faure

(Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix, Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

  

[JPG] rue général Lambert

   La rue du général Lambert (1834-1901) ainsi nommé en souvenir de la guerre de 1870 à laquelle ce capitaine d'infanterie de marine participa (Combat de Bazeilles); on ne lui a pas fait apparemment grief de sa participation à la répression de la Commune de Paris en mai 1871. Cette rue correspond au decumanus (axe Est-Ouest) de l'ancienne Vorgium romaine. Costumes bretons de Haute-Cornouaille.

   (Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix, Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

[JPG] Marche aux chevaux

       Le marché aux chevaux, près de l'église; les chevaux de Haute-Cornouaille étaient renommés de longue date; des haras actifs fonctionnèrent à Carhaix sur la place du Champ de foire jusque vers la fin des années 1970

  (Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouezn Carhaix: Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)


[JPG] les halles Carhaix

   Les halles de Carhaix; au fond, le chevet et le clocher, privé de sa flèche de plomb au 18e siècle par la foudre, de l'église Saint-Trémeur

(Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix: Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

[JPG] puits rue Cazuguel

   Le puits de la rue Cazuguel ou le problème de l'approvisionnement en eau; grands-mères, filles ou brus dans le sombre costume "de tous les jours" du Poher;  enfants encore nombreux; pas de treuil pour remonter les seaux; pîerres grossièrement maçonnées à la chaux

( Photo extraite de l'ouvrage de Dominique Mesgouez, Carhaix: Histoire de rues, Keltia Graphic, 1991)

 

Changement du nom de certaines rues, maintien de l'appellation historique d'autres artères  (janvier 1908)

  

Nouveaux noms

Rue des Augustins

Rue du Général Lambert

Rue Amiral Emériau

Rue Gaspard Mauviel

Rue Jobbé-Duval

Rue Renan

Boulevard de la République

Rue d'Oberhausen

Rue de Bazeilles

Rue Laënnec

Rue Waldeck-Rousseau

Rue de l'Aqueduc romain

Venelle Gambetta

Venelle Danton

Rue Victor Massé

Rue de l'Hôpital

Place du Marc'hallac'h

Rue Brizeux

Anciens noms

Rue du Général Lambert

Rue du fil

Rue du sel

Rue des chapeaux

Rue des sabots

Rue Haute

Boulevard Saint-Joseph

Rue Koztier

Rue Neuve

Rue Poul-Ran

Venelle Guéguen

Rue de la corderie

Venelle Quilliou

Venelle Saint-Hervé

Rue des vignes

Rue du Champ de bataille

Place du Champ de foire

Rue du pavé

Conservent leur nom: rue des Carmes,  rue de l'église , avenue de la gare, place du Champ de Bataille, place de droits-de-l'homme, place de l'église, rue Hollo Ar Bobl, 11 janvier 1908 

 

    Le vieux Carhaix était organisé suivant le principe des corporations: les mêmes métiers étaient regroupés, côte à côte, dans une rue.

    Les nouveaux noms reflètent l'histoire militaire (hommage aux osts des temps médiévaux, à la Tour d'Auvergne, à un général de la IIIe République, à un amiral), celle de la médecine (l'inventeur quimpérois du stéthoscope), flattent deux Carhaisiens fortunés et généreux (Mauviel, Jobbé-Duval), et surtout font la part belle aux révolutionnaires (Danton, mais ni Robespierre ni Fouquier-Tinville, ni même Mirabeau et surtout pas La Fayette) et avant tout aux Républicains anticléricaux (Gambetta, Renan, Waldeck-Rousseau). Deux noms ont un rapport avec la Bretagne (Brizeux) ou avec le breton (Marc'hallac'h: le marché). Les conseillers municipaux à majorité radicale n'ont pas osé débaptiser la place de l'église, la rue des Augustins (moines) .

 

3) mentalité des citadins d'une petite ville...française

    

                        "Fière de son passé très spécial, renfermée sur elle-même dans le cadre étroit de ses rues grises, Carhaix ignore la Bretagne qui bouge autour d'elle [...] Ne pouvant être Romaine, elle est Française"

     Taldir, Ar Bobl du 3 juillet 1909

 

Ar gear vihan

    Studi ar gear vihan a c'hall beza fentus awalc'h da ober, rag giz-ober eur gear vihan a ziskuez skler beteg pelec'h a c'hall mond gwaskerez ar vreuriez-tud war spered ha mojou eun den. A vicher areomp, ar gear a vevomp enni, a lez o merk war hon spered, hag a gelc'h ahanomp en eur steuen, deuz a behini n'allomp ken en em diluia.

   [...] Ar c'heariou en pere e weler skleroc'h evid e lec'h all ar spered euz ar c'heariou bihan, eo ar re o deuz eur boblanz disfuskul. Er c'heariou lec'h a azo eur boblanz diazeet, an tiegezou a gear en eur hanvez mad-tre an eil egile, heuil a reont o histor aboue meur a vloavez. An holl a daol pled mad deuz giziou ha  jestou ar re all. Pephini a zo mesaët mad gant e amezeg, ha zo dustu n'en eme gav e ve tremenet ar rêvu varnezan.

  Deuz eno e teu ma ve barz ar c'heariou bihan an hevelep giz-sonjal, an hevelep kustumou, an hevelep barn var an traou. An dud-ze, boazet da veva bepred ar memez kelc'h striz, boazerda gleved bemdez ar memez konchou ha da evesaat euz ar memez traou, a zeu spered da veza beret er memez moull [...]

   Ar gear vihan ne blich ket d'ezhi gweled tud dianvez o tond da skrabouilla he sioulder [...] Anaout a rer keariou bihan, pere a revuzaz lezel ober henchou-houarn dre enne. Keariou bihan o deuz revuzet dalc'hmad lezel kazerniou da veza savet enno gant aoun na vije dibochet ar merc'hed gant ar soudarded.

    Mar deu eun den nevez da veva er gearik vihan, e vevo red d'ezan chom aur maread amzer e-hunan. an holl a zello dioutan evel eun dra gurius, ha na vezo great anoudegez gantan, ken a vezer deut da gustumi dioutan. Mar deo an den-ze eun den-en-karg, eur fonksioner, neuze a ouier en araok petra eo, ha petra vezo. Dougen a ra e verk var e dok. Mez mar deo, dre chanz, eun den a vicher, eun den deut da ren eur c'honverz bennag, neuze e savo disfi dezoutan, studiet e vezo e c'hiziou, e gerzet. Eur wech a vo bet anavezet mojou ha karakter an hini-nevez, e vezo merket e blas d'ezan er gearik [...] N'eus ket evel ar gear vihan  evit kaout kosteennou, partiou [...] E sao, er c'heariou bihan, disput etre ar c'hlastou: ar beorien hag an vourc'hizien, ar gonversanted hag an noblanz.

   An hini neve zeut, mar fell d'ezan beza deut mad gant ar "société", a renko eta gouzout delc'hen e renk, vel ma leverer, gouzout rei e daoliou tok hervez uhelder ma pinvidigez an hini zaludet, gouzout rei ar stardadennou-dorn deuz stad an dud en doe affer ganto.

   Mar deuz ar gear vihan eur gasoni diguz evit an traou a ziaveaz hag an dud nevez, hi deuz ive eun ompinion vad dreistdiouthi he-unan. Ar garante-ze evithi hag evit he zraou a ere "karantez kloc'hdi" anezhi. Ar garante broik ze a zo anoazur tre.

   Ar gear vihan a vezo fouge ennhi gant e zud brudet, gant e amzer tremenet aboue kant-vloaziou, gant e lec'hiou brao, he meneziou, he c'houeziou-dour, he aochou, etc.. Er c'hontroll, hi a reio peoc'h var e siou fall.

   Mar deu d'eomp brema sellet deuz giz sonjal ar gear vihan, e welimp anezan boutet bepred gant ar spered klast hag a spered kosteen. Respet he deuz evid an dud galloudus ha mar digouez d'unan bennag deuz ar c'hlast ober eur fallagriez, buan e vezo roet peoc'h var ze. Neb lec'h all a-bed ne vezo gwelet ar botred iaouank ken fichet hag ebarz ar c'heariou bihan. Haligenta zo piou a vezo gantant ar c'hiz ar muia nevez.

    Neb lec'h all a-bed evel er c'hearigou, na vezo spiet an dud evid o ompinionou politik pe relijius. Taolet a vezo pled gant piou e refet kont an aliesa, taolet a vezo pled a eio d'an oferenn ha piou n'eio ket. Pephini eo merket e blas d'ezan dre-holl.

   Er c'heariou braz, pe zoken var ar meaz, an den n'eo ket sklavour dindan zonjezonou ar re all, mond ha dond a ra e peb frankiz, mez er gear vihan, na welet atao nemed an hevelep doareiou, hag evelse e teuer da veza "den an holl" hep gallout, gwech-a-bed, mond er-meaz deuz al lezen gommun.

   Deuz ac'hano e teu ma kaver ken hir an amzer er gear vihan. An amzeriou-bloaz, ar miziou, an deveziou, an heuriou a dremenn an eil var lerc'h egile hag holl int henvel, paket er memez linsel trist.

    Ar gear vihan, deuz an eil penn ar bloaz d'egile, a gousk he c'housket e-mesk he zraou koz. An Aotrou Tarde a lavar penoz en amzer a hirio, ar gear vihan a zo, dre natur, difennererez ar c'hiz koz hag ar peoc'h, elec'h ar gear vraz ha trouzus a zo, dre natur ive, difennerez ar c'hiz nevez hag ar chenchamant. Ar gear vihan a gemero koulskoude tam ha tam skuer var ar gear vraz, mez en eur vont gant he amzer.

   Ar c'heariou braz, hag ar cheariou  a zo enno uzinou ha tier-labour evit peb sort micheriou, a zeu da deza oalejour-tan deuz a bere e skuill flammou war ar vro holl, hi a ra "kour ar ideiou". Ha gant-se, pa dremenn  trainien dre geariou braz Bro-Saoz e kreiz an noz, ar beajour a lak e benn er prenestr, a zant e galon o taoulampat en eur weled er pellder ar goulaou hag an oabl sklerijennet gant moged an uzinou braz hag ar chiminalou uhel. E galon drit ennan, rag gouzout a ra penoz er c'heariou braz-ze a zo buez ha frankiz hag e skiant a oar penoz ar plasou-ze eo a ro an ton d'ar bed holl.

   Georges Palante

 La petite ville

   Etudier une petite ville peut être assez amusant, car cette analyse montre clairement jusqu'à quel point une confrérie peut aller pour étouffer un individu en raison de ses opinions et de sa trombine. Le métier que nous exerçons, la ville où nous vivons laissent leurs marques dans notre esprit et nous enferment dans des intrigues que nous avons bien du mal à débrouiller.

[...] La population des petites villes dont l'esprit se laisse le mieux pénétrer, aime son chez soi. Les villes où les gens  entrent ou dont ils sortent chaque jour, ne sont pas aussi bien disposées. Dans les villes où les gens sont pauvres, les familles se connaissent très bien. Elles ont une histoire commune depuis belle lurette. Tous s'intéressent beaucoup aux paroles et aux gestes des autres. Celui qui est en bisbille avec ses voisins est aussitôt catalogué.

   De là vient, dans les petites villes, la similitude des opinions, des coutumes, des jugements portés sur les événements. Ces gens, habitués à vivre dans le même cercle étroit, à entendre les mêmes contes et à boire aux mêmes sources d'information, possèdent des cerveaux coulés dans le même moule [...]

   L'étranger déplaît à la petite ville; elle déteste qu'on dérange sa tranquillité [...] On connaît des petites villes qui ont refusé que des voies de chemin de fer traversent leur territoire. Des petites villes se sont entêté à refuser d'accueillir des casernes, par crainte que les jeunes filles ne soient détournées du droit chemin par les soldats.

   Si un nouvel individu s'installe dans une toute petite ville, il devra vivre isolé pendant un bon moment . Tous le considéreront comme une chose curieuse, et personne ne fera sa connaissance jusqu'à ce qu'il se conforme à la coutume. Si cet homme est un fonctionnaire, alors chacun  sait ou  saura à quoi s'en tenir. Son chapeau est à cet égard révélateur. Mais si, par hasard, il s'agit d'un ouvrier ou d'un commerçant, alors on se méfiera de lui, on observera ses manières, ses démarches, ses allées et venues. Une fois connus ses idées et son caractère, il aura marqué sa place dans la petite ville [..] Il n'y a pas comme  la petite ville pour avoir sas "bords", ses partis; elle est le théâtre d'une lutte des classes: entre pauvres et bourgeois, entre commerçants et nobles.

  Le nouveau venu, s'il tient à s'attirer les bonnes grâces de la "société", devra savoir marquer et tenir son rang en fonction de ses revenus, donner des coups de chapeau selon le degré de richesse de la personne saluée, donner des poignées de main à ses clients et fournisseurs en fonction du montant des transactions.

   Si la petite ville hait au grand jour tout ce qui vient de l'extérieur et les nouveaux venus, elle se forge elle-même une bonne image de presque tout ce qui la constitue. Cet amour-là s'appelle l'"esprit de clocher". Ce micro-patriotisme est très chatouilleux. Une petite ville tirera orgueil de ses concitoyens célèbres, de son passé pluri-séculaire, de ses sites, ses montagnes, ses cascades, son chaos, etc.. En revanche, elle fait silence sur ses mauvaisetés.

   Si maintenant nous examinons les façons de penser caractérisant une petite ville, elle apparaîtra polarisée par deux fils directeurs: l'esprit de classe et l'esprit de parti. On y respecte les gens puissants et si l'un d'entre eux commet une scélératesse, on la met sous le boisseau sans tarder. Nulle part ailleurs, vous ne verrez de jeunes gens aussi bien attifés qu'ici. Le plus glorieux est celui qui est vêtu à la dernière mode.

   Nulle part ailleurs que dans ces toutes petites villes, les gens  sont espionnés à cause de leurs opinions politiques ou religieuses. On prêtera attention à celui qui formulera un avis, on fera attention à qui va à la messe et à qui n'y va pas. Chacun, parmi  les autres, a sa place marquée.

 Dans les grandes villes ou même à la campagne, l'homme n'est pas esclave d'une pensée unique, il va et vient en toute liberté, mais dans la petite ville on ne se comporte que d'une seule manière, et ainsi devient-on un individu sans personnalité, sans pouvoir jamais rejeter la loi commune.

   Cela me fait trouver si long le temps, dans une petite ville. Les saisons, les mois, les jours, les heures, passent les uns après les autres, identiques à eux-mêmes, comme enveloppés dans le même triste linceul.

   La petite cité, d'un bout à l'autre de l'année, dort son sommeil au milieu de ses traditions. M. Tarde affirme qu'aujourd'hui, la petite ville est attachée, pa nature, au passé et à la tranquillité, alors que la grande ville bruyante est, par nature aussi, éprise de nouveauté et de changement. Cependant, peu à peu, la petite ville prendra exemple sur la métropole, mais à son heure, à son rythme.

  Les grandes métropoles, les villes remplies d'usines et d'ateliers, sont des foyers de développement pour le pays tout entier, elles sont autant de centres d'innovations. Et grâce à elles, quand les trains de nuit anglais traversent les grandes villes, le voyageur, s'il met le nez à la fenêtre, sent frémir son coeur en voyant au loin la lumière et le ciel éclairé par la fumée des hautes cheminées des grandes usines. Son coeur se transforme car il sait que dans ces grandes villes règnent la vie et la liberté et, de manière scientifique, il a la certitude que ces lieux seront pour le monde entier un exemple à suivre.

 Ar Bobl, 3 et 10 juin 1905  Traduction: Jean Yves MICHEL, janvier 2019


  Un étouffoir ???

 

UN GROS BOURG

   Connaissez-vous un gros bourg ? Y avez-vous jamais habité ? Avez-vous goûté la vie qu'on y mène ? Non . Eh bien ! Laissez-moi vous engager à ne jamais y aller, si vous ne voulez pas devenir le plus malheureux et le plus maussade des hommes.

   J'en connais un et je suis condamné à y vivre. Il ressemble à tous les gros bourgs.

Au centre de la Grande place se trouvent les vieilles halles. Trois rues y conduisent. Ces rues sont bordées de maisons basses et sales, portant de prétentieuses et ridicules enseignes: Au rendez-vous des gens du monde, Grand hôtel de l'univers, Epicerie parisienne, etc, etc..

    Tout le long du jour, les commères du logis se tiennent sur le seuil de leur porte, un tricot à la main. Elles dévisagent les passants, examinent effrontément les étrangers de passage; le soir venu, elles se retrouvent au même endroit pour se redire les mêmes calomnies, sous la lueur pâlotte des réverbères fumeux.

Oh ! La vilaine et méchante race de femmes !

    Tous les jours, la même torpeur monotone et accablante envahit les hommes et les choses. Le clerc de notaire passe, un porte-plume sous l'oreille, l'air affairé. Deux vieilles demoiselles vont bien lentement faire leur promenade, suivies de leurs toutous chéris. Monsieur le curé fait les cent pas sous les ormes poudreux de la place, en lisant son bréviaire.

      Le soir, à l'heure de l'apéritif, Messieurs les fonctionnaires se réunissent au Cercle démocratique et Messieurs les propriétaires à leur cercle privé. Dans chacun de ces cercles, il y a un président qui pontifie solennellement et des membres qui s'ennuient par habitude en l'écoutant parler. Puisqu'il y a deux cercles, il y a aussi deux sociétés. L'une qui se targue d'aristocratie, est composée des gros bourgeois et des propriétaires. Elle habite le gros bourg de père en fils et y forme une caste fermée à tout nouveau venu. L'autre est composée des principaux fonctionnaires et des petits rentiers. Ces deux sociétés se jalousent, se décrient, s'épient à chaque instant.

   De temps à autre cependant, quelque gros événement vient mettre en émoi toute la population: Monseigneur l'évêque fait sa tournée pastorale, M. le Préfet vient présider le conseil de révision, M. le Sénateur vient faire ses visites à l'occasion des  élections prochaines. Et c'est au tour de chaque société de s'agiter. Les dévotes se disputent l'onctueux sourire de Monseigneur, les fonctionnaires un entretien avec M. le Préfet, les propriétaires l'honneur de recevoir M. le Sénateur.

    Puis, ces visites passées, la fièvre tombe. Les habitants du gros bourg reprennent leurs habitudes casanières.

    Croyez-moi, si vous êtes jeune et que le destin vous condamne à venir vivre dans un gros bourg, si vous êtes épris de gaieté, de vie et d'amour, vous deviendrez mélancolique et taciturne, vous vieillirez physiquement et moralement. Quant à l'amour, vous ne le connaîtrez pas, il n'y existe pas.

Jean d'Escat

 Ar Bobl, 15 septembre 1906

 

                                     Un pamphlet bien tourné, traduisant les aigreurs de son auteur


4) Une ville mal tenue....

 

    On ne peut s'empêcher de rapprocher les constatations faites par divers journalistes des années 1904-1914 de celles rédigées par le conventionnel Cambry, qui visita Carhaix en ...1794        

      "Quelles rues ! Quelle malpropreté ! La grande rue est entièrement pavée de quartz, cette pierre indestructible, dont les plus lourdes voitures ne peuvent briser les pointes anguleuses, dégarnies du sable, de la terre qui les environnaient, fatiguent le piéton, estropient les animaux. Beaucoup de maisons enfumées, au-dessous du sol de la rue, recevant ses écoulements; une multitude de chaumières abattues, abandonnées; la pauvreté, la nonchalance et la malpropreté d'une partie des habitants en rendraient le séjour inhabitable, sans l'élévation sur laquelle cette ville est placée, sans les vents violens (sic) qui balayent et purifient l'atmosphère"

   Jacques Cambry, "Voyage dans le Finistère en 1794", édition de 1836, Brest; réédition par Coop Breizh, 1993

 

"L'hygiène des rues.

      Un voyageur souvent de passage à Carhaix nous a fait remarquer combien les rues de Carhaix manquaient de propreté et d'entretien. Devant chaque porte, il y a un petit cloaque. Le balayage ne se fait pas ou se fait mal. Il y a une excuse, il n'y a pas de borne-fontaine, il n'y a pas d'eau !!!

    Mais là où l'excuse disparaît, c'est pour les personnes qui viennent jeter leurs immondices, les urines et les matières fécales dans les ruelles qui encerclent la ville. La ruelle qui a la préférence est celle dite Tour du Château, qui va du débit Guillou à la rue Cazuguel. L'autre soir, des femmes y vinrent vider des récipients de choses innommables, par paresse et par malpropreté. Il ne leur eut pas été plus difficile de les porter plus bas à la campagne.

   Enfin, le bas de la Place de la Tour d'Auvergne, vulgairement appelée Champ- de-bataille, est le véritable cabinet d'aisances de toute la ville.

   M. le Maire devrait bien faire circuler le garde-champêtre, dans ces parages d'infection, vers les 9 ou 10 heures du soir, pour dresser procès-verbal en règle à ceux qui prennent les voies publiques pour des dépotoirs".

    Enfin, nul ne contestera l'utilité d'un arrêté municipal ordonnant que toute personne ayant porte sur rue ait un récipient où elle déposerait ses balayures et que la voiture d'ordures ramasserait tous les matins"

Ar Bobl, 23 décembre 1905

 

  Moins de quatre ans plus tard, aucune amélioration sensible n'est enregistrée..

 

"Hygiène des rues. On nous signale que l'arrêté municipal interdisant le dépôt d'ordures ménagères sur la voie publique pendant la nuit, n'est pas strictement observé. Des matières fécales et du purin seraient jetés nuitamment dans les cours et jardins. Il s'en dégage naturellement des odeurs nauséabondes qui incommodent les habitants. Une surveillance s'impose.

   A la suite des réclamations dont les journaux se font continuellement l'écho au sujet de l'eau, la municipalité a fait procéder à la réparation de la pompe de la Place de la Mairie"

Ar Bobl, 21 août 1909

 

La boue... Jaffrennou stigmatise derechef l'impéritie de la municipalité Lancien, dont il se moque outrageusement...

 

"La Rue Neuve

   Il y a une rue qui mérite d'être visitée par les étrangers comme un des célèbres chemins creux de Bretagne, c'est la Rue Neuve.

     Sur les bords de la Loire, les riverains se servent de bateaux à vase pour naviguer sur les bords du fleuve. Ayant appris l'état de la rue, un riverain de la Loire s'apprête à demander à la municipalité la charge de Passeur de la Rue Neuve.

   Cependant, on a vu la semaine dernière deux cantonniers boucher les ornières avec de la terre à jardin peut-être avec l'espoir de voir pousser les cailloux. Il y a trois ans, un Monsieur X...  qui, par des charrois, avait dégradé la rue, avait donné à la ville 150 francs pour la réparer. Où sont passés  ces 150 francs ?

   Cette rue est très fréquentée par les grosses charrettes de foin, de bestiaux et de betteraves qui viennent du Petit-Carhaix et de la route de Brest pour aller à la bascule. La Rue Neuve rapporte donc à la ville et il est juste qu'elle soit à l'honneur puisqu'elle est à la peine. Aussi les habitants de la Rue Neuve demandent-ils au conseil municipal qu'ils soient traités comme les habitants des autres rues et entendent, puisqu'ils paient des contributions, être considérés"

Charbonnier

 Ar Bobl, 26 janvier 1907


   

"Carhaix - Les boues des rues

   Les habitants de la rue de la gare se plaignent à juste raison que les cantonniers et balayeurs, après avoir entassé les boues liquides des deux côtés de la voie publique, les laissent séjourner trop longtemps sans les enlever, de sorte que la nuit, l'éclairage n'existant qu'à l'état rudimentaire, les passants et ceux qui réintègrent leurs maisons, s'y enfoncent jusqu'aux chevilles"

Ar Bobl, 2 février 1907

 

"Un peu de nettoyage, s.v.p.

    Les rues de Carhaix sont de véritables cloaques, pas autre chose. Lorsqu'on discutait le budget autrefois, nous disons autrefois attendu qu'aujourd'hui on ne discute plus rien, nous avons souvent entendu causer de telle ou telle somme affectée au balayage des rues, ces sommes naturellement sont dépensées chaque année puisqu'elle figurent au budget. Or, peut-on dire que nos rues soient nettoyées, qu'elle soient proprement balayées chaque jour ? Certes non ! Une fois, deux par semaine tout juste, aperçoit-on un employé municipal se pavaner dans nos rues, un balai....sur l'épaule; si la rue est par trop boueuse, on donne un coup de balai au milieu  en rejetant la boue dans les côtés, on la laisse ensuite séjourner en tas tous les dix ou quinze mètres durant six ou huit jours. Peut-on trouver un système de nettoyage plus ridicule et plus incomplet ?

      De nombreux étrangers de passage nous ont maintes et maintes fois déclaré que Carhaix était l'une des villes les plus mal tenues de toute la Bretagne.  Pourquoi M. le docteur-maire, qui prétend être homme de progrès, ne fait-il pas l'acquisition d'un balai-chariot comme il existe à Guingamp et ailleurs, instrument attelé d'un cheval qui, en l'espace de deux ou trois heures,  pourrait chaque jour balayer les principales rues de la ville ?"

Ar Bobl, 2 janvier 1909

 

 

"Carhaix - On demande un urinoir.

[...] Nous voudrions proposer à nos représentants (élus) une réforme qui intéresse au plus haut point la question hygiénique: la propreté des chemins entourant la ville.

   Nul de nos concitoyens en effet n'ignore dans quel état d'infection sont chaque matin les ruelles du Coz-Tier, du Château, du Calvaire, etc...Nous allons entrer en été et la chaleur décompose bien vite tous ces détritus, et les ordures qui se jettent journellement au bord des rues et routes et les transforment en foyers d'infection.

    [....] Nous savons que des menaces de contravention ont été faites à certains [...] Mais ainsi que dans toutes les vieilles villes, peu de maisons à Carhaix ont des cours de derrière, peu aussi possèdent des lieux d'aisances. Il est donc nécessaire que les habitants jettent les ordures dans un lieu ou un autre.

     Pourquoi la municipalité ne désignerait-elle pas deux ou trois endroits aménagés exprès pour la circonstance ? N'est-il pas extraordinaire que Carhaix n'ait encore ni urinoirs ni cabinets d'aisances publics ? [...]

Un contribuable"

Ar Bobl, 25 mai 1905

 

 

Des rues périphériques laissées à l'abandon ...

 

"Au sujet de la rue Cazuguel.

    Nous avons reçu de plusieurs habitants de ce quartier diverses réclamations au sujet du mauvais état de cette rue et de celles environnantes. Le quartier, nous disait-on, est dans un triste état, à grand'peine peut-on y circuler..

    Il faut reconnaître que ces plaintes sont fondées. Les rues Croix-Lohou et Cazuguel sont dans un état déplorable. Si l'on s'y engage, à grande peine peut-on en sortir tellement la boue est épaisse sur ces rues mal entretenues, où l'on ne voit que trop rarement l'ombre des cantonniers municipaux [....] Si nous croyons les dires des contribuables qui habitent le quartier, l'on y aperçoit trois ou quatre fois l'an un cantonnier quelconque, mais ces visites se font pendant la belle saison et encore, paraît-il, l'employé municipal s'y promène-t-il sans balai... en amateur !"

L'Echo du Finistère, 26 novembre 1910


 

        L'Echo du Finistère, hebdomadaire morlaisien de droite catholique, a pour correspondant carhaisien Jean Solu, fondateur de la section carhaisiennne de l'Action Libérale Populaire et collaborateur occasionnel d'Ar Bobl

 

Des rues dangereuses...

 

"Carhaix - Le pavage des rues

   A différentes reprises, il a été question au conseil municipal du mauvais état du pavage de certaines rues, entre autres de celui de la rue du Fil, l'une des rues les plus fréquentées de la ville, et l'une de celles où le passage est des plus dangereux. Au mois de janvier dernier, il en fut grandement question à une séance du conseil et les habitants crurent qu'une fois pour toutes la rue allait être réparée.

    L'année s'est écoulée. Durant l'été, les chevaux ont culbuté, des accidents se sont produits; la rue est restée telle quelle.

   Enfin, il y a quelques jours, deux employés firent leur apparition, mais pas pour longtemps, le haut de la rue fut un peu réparé, c'était l'endroit le moins défectueux, puis, sans doute histoire de s'amuser, un des deux employés fut prié de piquer çà et là quelques pavés. Dix-huit, pour dire le nombre exact, reçurent quelques coups de marteau, et c'est tout"

Ar Bobl, 7 décembre 1907

 

L'eau et la lumière...

 

Le puits de la Rue Neuve.

   Cette rue est certes l'une des rues les plus délaissées de la ville. Ironiquement sans doute appelée Rue Neuve, elle serait mieux nommée rue.... de la boue.

    Au milieu de cette rue se trouve un puits qui est un danger continuel, et pour les enfants le jour, et pour les passants la nuit. Ce puits, en effet, n'est entouré que d'un garde-corps de 40 cm de hauteur à peine. N'est-ce pas ridicule ?

    De deux choses l'une: ou le puits fournit de l'eau potable, et alors qu'on le recouvre et que l'on y installe une pompe; ou il ne fournit pas d'eau et alors ne semble-t-il pas plus pratique de le combler afin d'éviter les accidents ? Nous signalons une fois de plus cette étrange situation à qui de droit"

Ar Bobl, 25 juillet 1908


Taldir reproche, dès 1905, le mauvais choix effectué par la municipalité Anthoine, sous l'influence d'un conseiller:

 

"Que faire des 60 000 francs (1) ???

   Avec les 60 000 francs que M. Henriet rêvait de consacrer à édifier d'intempestifs palais scolaires, que ne fait-on pas oeuvre plus pratique et plus utile ? Que n'achète-t-on pas le moulin du Roi, dont la chute d'eau, captée et conduite, pourrait alimenter une usine électrique qui fournirait un éclairage peu coûteux à l'une des plus jolies petites villes du Centre-Bretagne ?

     M. Henriet voulait nous donner la lumière, comment dite, la sainte lumière... pédagogique, nous demandons d'abord la lumière électrique"

 Ar Bobl, 23 décembre 1905

 

(1) 23 600 000 euros de 2018

         Carhaix, qualifiée de "jolie petite ville": Taldir est coutumier de ce genre de volte-faces

 

5) Le meilleur et le pire....

 

   "L'octroi de Carhaix a encore enregistré en 1909 comme entrées: 1200 hectolitres de vin, 7400 de cidre, 325 d'alcools, 20 de vins de liqueurs et 260 de bières. Le tout ayant rapporté 8820 F de droits d'octroi.

   Carhaix ayant 3600 habitants, si le tout avait été consommé par cette population, cela donnerait 2 hectolitres de cidre par habitant, 35 litres de vin, 9 litres d'alcool et 7 litres de bière.

   A la gare de Carhaix, où il y a eu au départ 42 000 voyageurs en 1909, on a expédié 5000 tonnes de grains, 440 tonnes d'ardoises, 400 tonnes de denrées diverses, 5000 boeufs et vaches, 3850 veaux et porcs et 463 chevaux. On a reçu 1200 tonnes de farine, 2600 tonnes d'engrais, 1700 tonnes de bois de construction, 900 tonnes de matériaux de construction, 420 tonnes de vin, 150 tonnes d'alcools et liqueurs, 146 tonnes de bière et plus de 40 tonnes de cidre.

   Théophile Janvrais.

Ouest-Eclair, 20 janvier 1910

 

   Consommation de boissons alcoolisées "par habitant"; ce n'est pas ainsi qu'il convient de compter, puisque les femmes sont plus raisonnables que les hommes adultes et que  les enfants, en principe,  sont réduits à l'eau.

    L'octroi est une taxe encaissée par la ville à chacune de ses entrées routières sur les marchandises entrantes.

    115 voyageurs ont pris le train à Carhaix chaque jour de l'année 1909. Le Centre-Bretagne "exporte" du grain mais "importe" de la farine panifiable; les nombreux moulins au fil de l'eau broient sarrazin, avoine.

    

Un coupe-gorge ???


"On demande un commissariat de police.

     devant l'impuissance d'un seul grade-champêtre et d'une brigade de gendarmerieobligée de parcourir tout le canton, à maintenir le bon ordre et à assure la sécurité des citoyens d'une ville de quatre mille âmes, plusieurs personnes nous prient de transmettre le voeu suivant à qui de droit: que la création d'un commissariat de police soit incessamment réclamée à Carhaix.

    Presque tous les soirs, en effet, des manifestants parcourent les rues en troublant le repos des citoyens paisibles; il est temps que cela cesse".

Ar Bobl, 16 mai 1908

 

   La date de cet entrefilet n'est pas indifférente; il est rédigé et publié au lendemain d'élections municipales particulièrement houleuses: les ouvriers cheminots, très hostiles à la langue bretonne, soutiennent bruyamment le maire sortant Lancien, auquel s'opposent des notables radicaux et des notables catholiques, pour une fois alliés et soutenus par les régionalistes, Taldir en tête. Dans les deux camps, on a la tête près du bonnet....Les Carhaisiens ont une longue et ancienne tradition à maintenir.depuis au moins le XVIe siècle...

 

"Un peu de police, s.v.p. -

    La police laisse singulièrement à désirer. Il y a quinze jours, des noctambules brisèrent un arbre sur le Champ de bataille. Les auteurs de nombreux méfaits n'ont jamais été recherchés ni punis.

    Dimanche soir, à une heure du matin, des disciples de Bacchus ont brisé une porte sur le débit M.... rue Félix Faure.

    Quand aurons-nous donc une police organisée ? 

Ar Bobl, 26 décembre 1908


Un an plus tard, François Jaffrennou énonce et dénonce tous les délits restés impunis. Ce faisant, il met sur la sellette la gendarmerie, la municipalité, le garde-champêtre et quelques parents soixante-huitards avant l'heure...

 

"Récapitulation de quelques vols impunis, commis à Carhaix depuis 1904, par la Bande mystérieuse.

Le 23 octobre 1904, des voleurs pénètrent avec effraction chez M. Corentin Le Corre et emportent 40 livres de pommes.

  Dans la nuit du 1er février 1905, le poulailler de M. Dubeau est compètement dévalisé.

  Le 14 juillet 1905, la nuit, un voleur pénètre chez Veuve Le Razer, débitante, Place aux chevaux et enlève 50 francs.

  Le mardi 1er novembre, à dix heures du soir, le convoyeur de Loudéac met en fuite un voleur qui tentait de pénétrer au bureau de poste.

   Le dernier jour de l'an 1905, les voleurs pénètrent à la chapelle Sainte-Anne et à l'église Saint-Trémeur et dévalisent les troncs.

   Le dimanche soir 9 décembre 1906, des malfaiteurs s'introduisent par une fenêtre qu'ils brisent dans le débit de Mlle Ropars, rue Hollo, et font main basse sur 150 francs et plusieurs bouteilles de liqueurs.

   Dans la nuit du samedi 16 février 1907, des voleurs essaient, à l'aide d'une pince, de fracturer la porte du bureau de M. Le Bihan, négociant, rue de la Gare. N'y pouvant parvenir, ils tentent de s'introduire chez M. Lancien. Ils n'y réussissent pas et s'attaquent à la porte de feu M. Eugène Anthoine, rue des Chapeaux. Le chien les refoule par ses aboiements. Ils entreprennent alors le cambriolage de la maison Quilliou, charcutier, enlèvent un volet, pénètrent dans la boutique et emportent 130 francs, des liqueurs et  des boîtes de conserve.

    Le dimanche soir 5 mai 1907, la bande pénètre dans le couvent des Ursulines  et brise plusieurs objets de grande valeur.    [...]

Ar Bobl, 11 décembre 1909

 

Et cependant le progrès atteint Carhaix, grâce à un capitalisme extérieur, venu de Rennes. La lumière électrique jaillit à Carhaix en avril 1908, cinquante ans avant de toucher les exploitations agricoles reculées de Plounévézel....  Il en ira de même pour la fibre optique qui n'équipera que beaucoup trop tard les maisons isolées des communes rurales du Poher. Le jacobinisme carhaisien n'en finit pas de se succéder à lui-même.

 

[PNG] pub compagnie électrique 149 03 08 1907

Annonce publicitaire parue dans Ar Bobl, n° 149, 3 août 1907

 

 


 


 







Dernière modification le 12/07/2019

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