Les prémices de la déchristianisation..
Ils apparaissent dès la Révolte du papier timbré de 1675: "Les paysans se croyaient tout permis, réputaient tous biens communs et ne respectaient plus leurs prêtres; ils voulaient les égorger, les expulser de leurs paroisses" écrit en 1756 Dom Tallandier.
Le Père Maunoir a arpenté l'Argoat bretonnant, à la reconquête des âmes. Il cherchait à exorciser le "diable de la Montagne", d'Arrée ou Noire, qui poussait le hauts Cornouaillais au péché. Cette tâche n'a pas empêché la Révolte dite des "Bonnets rouges". C'est à Plouguernével que le "Bon Père" mena une "mission militaire" dans le cadre de la répression organisée par le Duc de Chaulnes. Mais la pendaison, la condamnation aux galères d'une part, la réapparition des missionnaires munis des "tableaux de mission" ("taolennou"), n'éradiquèrent pas la détestation de la paysannerie à l'égard des moines, relativement nombreux, des "curés à gros ventre" et hobereaux...
Ecoutez la plainte des paroissiens de Poullaouen qui, en 1753, crient bien fort que « les prêtres font à l’oppression du peuple des quêtes de bleds et argent sous prétexte de célébration de messes du matin » ou le récit du « soufflage de la gerbe » à la Feuillée : « Lors de la révolte de 1774, les uns ont battu la nuit des gerbes dans les champs sur des draps, ensuite après avoir enlevé le grain, ils raccommodèrent les gerbes dans le même état qu’avant d’avoir été battu […] Ils ont lapidé en plein jour les voituriers employés à serrer et charroyer la dixme » [1].
L'athéïsme aurait été introduit à Carhaix par les soldats des armées républicaines qui y ont séjourné afin d'étouffer dans l'oeuf les timides tentatives de résistance royaliste ou fédéraliste.
Sous le Consulat, le curé de Carhaix s'effraie
« L’on m’a dit que les habitants des campagnes et la populace de la ville foulent en tout sens les personnes qui font cortège au Saint-Sacrement. Pour obvier à cet inconvénient, je désirerais que deux militaires armés, placés l’un vis-à-vis de la porte de la sacristie, l’autre à l’opposé, fermassent l’entrée du chœur à tous ceux qui ne sont de la cérémonie. Que lorsque le cloche tintera l’élévation, les militaires partissent de la maison commune où se seront rendus mes apôtres, mes Evangélistes, mes anges. Que les militaires fassent un grand cercle autour des reposoirs pour écarter les curieux, vis-à-vis de la chapelle Sainte-Anne, puis Place au Beurre, puis au reposoir des Augustins, puis au milieu du Champ de bataille, puis aux halles, puis place Saint-Joseph, enfin vis-à-vis de la maison commune »
Lettre de Le Coz, curé de Carhaix à la municipalité, 9 prairial an XII (28 mai 1804), archives municipales de Carhaix
: « Le peuple de Carhaix est un peuple de danseurs. Il ne célèbre les fêtes des saints que par des danses et ne respecte pas le jour du dimanche […] On se confesse très peu, on fait peu de cas des vêpres.
La ville est pleine de cabaretiers qui sont autant d’antéchrists et d’ivrognes, qui n’ont presque plus figure humaine. Depuis que l’usure est autorisée par le Code civil, c’est à tort que l’Evangile la réprouve. C’est ainsi que l’on raisonne et l’usure est très commune à Carhaix.
La jeunesse est sans frein, l’autorité paternelle est insouciante ou méprisée. Nous avons quelques époux séparés sans l’autorisation de l’Eglise, quelques mariages que l’Eglise n’a point bénis.
Les courses et aboiements de chiens, les jeux et criailleries des enfants troublent le recueillement durant l’office divin. Voilà une partie des désordres de ma paroisse »
Lettre confidentielle de Le Coz, curé de Carhaix à l’Evêque, 16.08. 1805, in « Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et Léon, Bulletin de la Commission diocésaine d’architecture et d’archéologie, mars-avril 1905, p. 74
« M. Le Coz, curé de Carhaix (1756-1845), gallican, assermenté, conseiller municipal en 1808, fonde le petit séminaire de Pont-Croix : « Je suis obligé de déclarer que je prêtai par erreur le serment de la Constition Civile du Clergé qui depuis m’a fait répandre tant de larmes » (20 octobre 1817) Voix de Saint-Trémeur, N) 19, février 1933, ADF
En 1808, un vicaire de Carhaix se plaint « de ne pas avoir été tué de travail par la Pâque. Les marguilliers eux-mêmes, sauf un ou deux, ne se sont point approchés »
Aspects religieux du Finistère, 1958, cité in SRQL, n° 17, 1960
D'octobre 1813 à avril 1815, la paroisse de Poullaouen fut en interdit. La municipalité, aux mains des mineurs, protestants ou anticléricaux, entendit se débarrasser du curé et y parvint. Le recteur Thomas (1818-1827) ayant traité certains ouvriers mineurs de "loups", fut muté à Spézet où il mourut.
Plounévézel, paroisse dépourvue de pasteur depuis 1790 "[...] vit dans une ignorance crasse des vérités du salut » Réviron, curé de Carhaix, 1823
« D’où vient que Plouguer est si dépravé ? D’avoir été inconnu à ses pasteurs par les changements trop fréquents » Réviron, curé de Carhaix, 1823
Sous le Second Empire, l'Evêché de Quimper et Léon lance une souscription afin de faire couvrir par les fidèles l'essentiel des dépenses de reconstruction des flèches de la cathédrale de Quimper. L'Eglise compte obtenir de chaque habitant 5 F pour l'ensemble du lustre 1854-1858.
Las ! le déficit est d'environ 0,06 F par habitant. La générosité des ouailles est fonction de deux paramètres: la distance par rapport au siège épiscopal et la pratique religieuse.
Ou bien la proximité de la cathédrale se conjugue avec une piété indéniable (Pont-l'Abbé, Fouesnant, Plogastel-Saint-Germain).
Ou bien la proximité de Quimper ne suffit pas à vaincre la méfiance envers l'Eglise (Rosporden, Concarneau, Bannalec)
Ou bien encore, l'éloignement par rapport à Quimper dissuade un pratiquant zélé d'être généreux (Léon).
Enfin, le relatif éloignement se conjugue avec pauvreté et une relative répugnance à l'égard des ecclésiastiques (cantons de Carhaix, Huelgoat)... Plounévézel est la SEULE PAROISSE du diocèse à n'avoir pas donné un sou pour cette reconstruction. Dès que, en 1994, l'auteur de ce site mentionna à l'archiviste du diocèse qu'il demeurait dans cette commune, la remarque lui en fut aussitôt faite et sonna comme un reproche....
Les rébellions contre les préceptes souvent assenés par les prêtres, en chaire ou en confession, sont dissimulées: il s'agit, dans un domaine extrêmement privé, celui de la procréation d'enfants, de désobéir
On s'arrange, ce qui est contraire aux prescriptions de l'Eglise,pour que naisse la majeure partie des enfants entre décembre et avril afin les femmes récemment accouchées puissent, tout en allaitant, participer aux travaux des champs. On ne peut pas, non plus affirmer, au vu de la courbe des conceptions, que les temps clos religieux de l'Avent et du Carême soient nettement respectés. Enfin, les deveziou braz (juin, juillet, août, septembre) sont propices aux conceptions illégitimes.
Dernière modification le 29/04/2015