Ar Bobl (1904 - 1914)

Le journal de Taldir Jaffrennou: "le Peuple"

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14/08/2023

2) Des chiens dans un jeu de quilles: l'animosité portée au plus haut degré


a)  L'Evêché tance vertement Taldir

Mise en garde contre le journal ar Bobl

  " Thèse  nettement contraires à la morale chrétienne sur la question de la "natalité et sur celle de la désertion des campagnes et sur le droit de propriété [...] Ce n'est pas un journal à lire ni à recevoir".

Semaine religieuse de Quimper et du Léon, 11 septembre 1908, archives de l'Evêché

De prime abord, cette mise en garde surprend. En effet, Taldir s'est vanté de ce que le Vatican était abonné à sa feuille.

Mais, n'étant pas à une volte-face près, notre homme fait preuve d'indépendance d'esprit: il prône une natalité contrôlée, un maintien à la campagne des meilleurs cultivateurs et l'exode des moins adroits, des moins persévérants.

Cette "hérésie" conduit maints lecteurs conservateurs, ecclésiastiques comme hobereaux, à rompre leur abonnement à ar Bobl. Ceci explique en partie les difficultés financières du journal et sa reprise en main idéologique par des bailleurs de fonds imposant à Taldir de suivre une ligne rigoureusement orthodoxe...

 

b) Le jeu de quilles carhaisien

     «  Dans tout l’arrondissement, il n’est pas une commune où l’on fasse de la politique comme à Carhaix. Les réunions, les discussions où l’on aborde tous les sujets de politique générale et locale, sont presque quotidiennes. Aux divisions politiques s’ajoutent les dissentiments qui proviennent de querelles de famille, d’animosités personnelles »

   Lettre du Sous-Préfet de Châteaulin au Préfet du Finistère, 1908, archives départementales du Finistère, 1 T 18

L’esprit de Carhaix

      « Je connais peu de petites villes où l’on ne soit plus qu’ici imbus de cet esprit de clocher qui fait mesurer toutes choses à l’aune des commérages et des cancans des tricoteuses […]

     Lorsque quelqu’un, par ses intrigues, est parvenu aux honneurs, 90 pour cent de la population sont à plat ventre devant ce mandarin d’un jour […] L’étranger fort-en-bagout sera l’oracle volontiers consulté et écouté. Parce qu’il vient de loin et que ses origines sont obscures, tout ce qu’il dira sera bien, d’autant que généralement cet étranger au pays sera dénué de scrupules et tout acquis aux idées les plus subversives et les plus saugrenues - François Jaffrennou »

Ar Bobl, n° 228, 8 mai 1909

     Une allusion transparente à Louis Lefranc, devenu marchand de biens à Carhaix, mais dont le péché mignon consiste à intenter procès sur procès à ar Bobl pour « calomnies ». L’argent des amendes acquittées par Jaffrennou est utilisé par Lefranc pour payer de pantagruéliques banquets à ses amis politiques le vendredi saint…


Carhaix -       « Il y avait à Carhaix, en 1904, plus de politiciens qu’aujourd’hui. J’ajoute qu’ils se haïssaient mortellement. Il y avait là-dessous des histoires de familles qui étaient aux prises depuis des générations.

      Le parti du maire, feu M. Eugène Anthoine, était omnipotent. C’était le parti bon teint. Il fallut toute l’audace et la volonté de parvenir d’un jeune médecin local, M. Fernand Lancien, servi par une respectable fortune, pour oser livrer bataille à ce favori populaire. Il s’était présenté contre lui au Conseil général et l’avait battu à 10 voix, grâce à l’appui des paysans. Ce fut à Carhaix le signal d’une révolution. L’élément ouvrier assiégea le château de M. Lancien. On se battit dans la rue. La populace conspua l’Elu qu’elle devait d’ailleurs, quatre ans plus tard, porter sur le pavois municipal. 

    […] Jaffrennou était un calotin qui venait à Carhaix renforcer le cléricalisme ! Ce bruit d’installation eut le don de vexer les politiciens bourgeois qui, chaque soir de 5 à 7, se groupaient au « Cercle » sous la présidence de feu M. Lefranc.  Le soir même de l’installation, les sinistres « Hou ! La calotte ! » apprirent  à notre candeur que le « Cercle » nous déclarait la guerre»

Ar Bobl, n° 411, 3 novembre 1912

   Jusqu'aux élections municipales de 1904, les différents clans politiques carhaisiens sont assez lucides pour ne pas s'entredévorer. La bourgeoisie anticléricale des artisans, commerçants fait entrer sur la liste unique proposée aux électeurs, quelques cléricaux choisis parmi les moins virulents (médecin, notaire, contraints de ménager leurs clientèles). Le but est d'éviter la mise sur pied de listes concurrentes extrémistes: socialiste (cheminots et fonctionnaires, notamment les enseignants) ou, au contraire, conservatrice et régionaliste. C'est cette dernière option qu'incarne, à tort ou à raison, ar Bobl.

 

"Le Cercle radical-socialiste, dont les locaux donnent sur le Champ de bataille, fut fondé par Louis-Honoré-Paul Lefranc, d'illustre mémoire, et ne cessa jamais de comprendre la crème de certains fonctionnaires et pédagogues de la localité, ainsi que de tous les étrangers qui, d'aventure, venaient s'installer à Carhaix. C'est à cette officine que durant de longues années ont été jouées les destinées de la ville et de ses habitants. Lorsque Lefranc, trop compromettant, fut remercié et que M. Eugène Anthoine eut accepté la présidence, le Cercle connut des jours de gloire. Les cotisations affluèrent, Anthoine était populaire mais trop faible, et ses deux adjoints, MM. Lemoine et de Jaegher, membres du fameux Cercle, gouvernèrent la ville sous son couvert jusqu'à ce qu'enfin les tristes événements (1) que l'on sait les forcèrent à se replier en bon ordre sur leurs positions.

    Mais durant tout le temps que les Radicaux, pour la plupart étrangers au pays, ont tenu les Carhaisiens sous leur botte internationaliste, que de mal n'ont-ils pas fait ! Des maisons ont été frappées d'ostracisme et, si on avait pu, on les eût ruinées ! Des procès ont été intentés au journal Ar Bobl, sur leurs excitations, dans l'espoir de le détruire; lors des fêtes du 8 octobre 1905, qui amenèrent 10 000 personnes à Carhaix, et que les Paotred Keraez organisèrent, le Cercle soudoya vingt apaches (2) pour troubler le concert du soir sous les Halles et se livrer à des déprédations sur les bâches, les bancs, les écussons, etc...

    C'est encore sous les auspices de ce Cercle, où couve la haine à côté de la nullité que des conférences anarchistes nombreuses ont été organisées à la Mairie même de Carhaix: tout à tour nous avons vu passer la fine fleur de ces exploitateurs (sic) d'hommes, Tréhuidic, Roullier, Lefebvre, Jouy, etc... A côté d'eux sur l'estrade, les bourgeois du Cercle se gonflaient d'aise, tandis que dans la salle 150 affamés buvaient ces paroles de révolution, qui leur affolaient le cerveau sans leur remplir l'estomac. Mais l'oeuvre du Cercle s'accomplissait quand même, ténébreusement, contre toute initiative et tout régionalisme.

    Mais hélas, la Roche Tarpéienne est proche du Capitole. Les ouvriers, qui forment à Carhaix la grande majorité des Electeurs, enfin fatigués des menées hypocrites du Cercle, reconnaissant enfin qu'il ne convient pas à Carhaix de manger du curé et de parler d'humanitarisme, lorsqu'aucun progrès n'a été réalisé par la municipalité qui s'écroule, les ouvriers, dans un élan admirable, ont brisé les chaînes qui les asservissaient et se sont enfin libérés. Comment cela s'est-il passé ?

   Lorsque le Préfet convoqua les Electeurs à compléter le Conseil par cinq conseillers, le Cercle était déjà loin de sa splendeur passée. Il ne disposait plus que de trois unités au Conseil: MM. de Jaegher et,  Lemoine, adjoints et Henriet. Tous les autres formaient bloc autour de MM. Lancien, conseiller général, Marchais et de Léseleuc, sans distinction de nuance politique. Au Cercle, l'on envisageait la situation. Elle paraissait grave, mais, avec du toupet, on arriverait peut-être à éviter la veste. Le Cercle fit des démarches auprès de trois ouvriers: MM. Caroff, Bouguennec et Cadiou, qu'il décida à se joindre au deux bourgeois anticléricaux Rouillard et Mélou pour former une liste radicale et ouvrière. C'était une plaisanterie. Le public n'en fut pas dupe. Il était clair que les ouvriers pour sympathiques qu'ils soient à tout le monde, étaient dans cette liste quantité négligeable. Ils obéissaient au Cercle, qui faisait les frais de l'élection. [...] On ne promettait rien, sinon des vestes aux candidats libéraux, amis on n'envisageait aucune question sociale. On traitait les adversaires des doux noms de "plats valets", "valets de la cure et du château".

     Les radicaux avaient organiser (sic), le samedi soir 26 octobre, une réunion publique contradictoire. La plupart des orateurs ne purent placer un seul mot. Cependant, le succès les ayant favorisés relativement (3) le lendemain, ils ne se tinrent plus de joie. [...] Les candidats républicains répondirent par un seul cri de ralliement: les intérêts de la Ville avant tout ! [...] Dès ce moment, l'opinion des électeurs fut fixée: on en avait assez du Cercle, la liste d'Union républicaine démocratique a passé toute entière avec une majorité écrasante. M. Samuel de Jaegher, qui lisait les résultats, le fit d'une voix qu'une émotion bien compréhensible faisait trembler. Il ne lui reste plus, ainsi qu'à son collègue Lemoine, qu'à démissionner. C'est lui-même qui l'a dit à la conférence du 26 octobre: "si vous trouvez que nous avons mal fait, vous nous le signifierez par vos votes, et nous rentrerons chez nous !".

    Nous croyons que la ville de Carhaix va voir désormais des jours heureux et prospères si les conseillers ne s'endorment pas sur leurs lauriers. Vous nous avez promis de l'eau et de l'éclairage, il faut que vous nous les donniez !"

Ar Bobl, 10 novembre 1906

(1) la démission, volontaire ou contrainte de quatre conseillers, dont le maire, et le décès de l'un d'eux ont provoqué des éléctions municipales anticipées en octobre-novembre 1906; des cinq sièges à pourvoir, l'ancienne majorité radicale en obtient un (au premier tour), et l'opposition radicale modérée, libérale et catholique en obtient quatre (au second tour).  Les quatre conseillers radicaux-socialistes, dont un nouvel élu, démissionnent aussitôt. De nouvelles élections complémentaires sont remportées par la nouvelle majorité groupée autour du maire Lancien élu en novembre 1906

(2) nom donné à l'époque aux voyous, "ancêtres" des "casseurs" d'aujourd'hui

(3) un élu au premier tour, aucun élu pour la liste d'opposition (dimanche 27 octobre 1906)


  Carhaix est une sorte de théâtre politique, observé à la loupe par bien des journaux du Finistère: le Petit Courrier, le bas-Breton et surtout l'Echo du Finistère, catholique et régionaliste:


[PNG] scission rad soc républicains Carhaix N) 24, 19 mai 1906.PNG

En 1908, deux listes sont en lice: la marmite carhaisienne bout....

 

  « Carhaix où les passions politiques sont toujours en éveil. Les discussions, au cours desquelles tous les problèmes de la politique générale ou locale sont abordés, y sont bi-quotidiennes.  Aux heures de l’apéritif, on se réunit dans les cafés, d’où l’on écrit parfois même aux ministres pour se plaindre de tel ou tel fonctionnaire dont un geste aura déplu ou pour demander la révocation de certains délégués cantonaux, histoire d’ennuyer l’administration […] Au milieu de toutes ces luttes et de tant de discussions, un esprit faible peut perdre la tête. C’est ce qui est arrivé au maire, M. Anthoine, qui a dû être interné dans un asile d’aliénés » 

 

  Rapport du sous-préfet de Châteaulin au préfet du Finistère, 21.09. 1906, Archives départementales du Finistère, 1 M 135

 

c) Les guerres picrocholines de

- Plonévez-du-Faou

[PNG] crise municipale PLF n° 254 15 10 1910.PNG                       L'Echo du Finistère, n° 254, 15 octobre 1910

          Lettre du  médecin châteauneuvien Le Coquil au Préfet du Finistère, 1910

"Monsieur le Préfet,

   Je crois de mon devoir, dans l'intérêt du parti républicain, de vous mettre au courant de la situation électorale, telle que la comprends, dans la commune de Plonévez-du-Faou.

   Depuis plusieurs mois, les cléricaux (ou libéraux) essaient de semer la discorde parmi les conseillers municipaux dans le but d'amener le maire, un vieux radical notoire, à démissionner et à lui donner comme successeur un homme à leur dévotion, dans la personne du second adjoint, foncièrement ivrogne et peu intelligent, qu'ils sauront mener à leur gré. C'est ainsi qu'ils ont réussi, par de louches manoeuvres, où l'argent a dû jouer un grand rôle, à brouiller M. Le Bihan avec ses deux adjoints, qui voudraient l'obliger à se séparer de son secrétaire de mairie, à qui cependant ils n'ont rien de sérieux à reprocher, mais qui est, avec le maire, l'âme du parti radical dans cette commune.

    Le maire refusant, avec raison, de leur obéir, ils ont démissionné, puis ont réussi à se faire réélire malgré lui et, désormais, ils avaient l'intention, dimanche prochain, de proclamer maire le second adjoint, qui prendra certainement le mot d'ordre à la cure, à moins que M. Le Bihan ne se décide à faire acte de candidat, auquel cas il obtiendrait très probablement la grande majorité des suffrages de ses conseillers qui ont pour lui beaucoup de sympathie.

     Mais il semble écoeuré des procédés de ses adversaires et peu disposé à continuer la lutte, il préfère, dit-il,renoncer à la politique active, malgré les remontrances de ses amis, qui voient avec peine cette grande commune, la plus importante du canton, sur le point de tomber au pouvoir de la réaction, ce qui pourrait entraîner par la suite la défection de plusieurs autres communes voisines, jusqu'ici républicaines, mais travaillées sourdement par nos adversaires.

    Dans ces conditions, il me semble, Monsieur le Préfet, que seule votre grande autorité pourrait peut-être avoir raison de l'indifférence de M. Le Bihan, mon cousin et ami, si vous vouliez bien lui faire visite l'un de ces jours, peut-être demain, en quittant Pleyben, où il m'a été impossible de le décider à assister au banquet des écoles.

    Votre intervention auprès du premier adjoint aurait sans doute aussi pour résultat de le réconcilier avec le maire, car il ne lui en veut pas personnellement comme le second adjoint, à tendances également beaucoup plus réactionnaires et qui serait candidat à la mairie avec chances de succès si le maire démissionnaire ne se représente pas.

     Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'ex pression de mes sentiments dévoués

    Docteur Le Coquil, Conseiller d'arrondissement"

Archives départementales du Finistère, 26 octobre 1910,  3 M 623

 

[PNG] crise municipale PLF n° 257 05 11 1910.PNG                                              L'Echo du Finistère, Morlaix, n° 257, 5 novembre 1910

 

- Plouguer

 

    [PNG] Cougard A n° 129 23 mai 1908.PNG[PNG] Cougard B n° 129 23 mai 1908.PNG   L'Echo du Finistère, Morlaix, n° 129, 23 mai 1908

 

    [PNG] Cougard Plouguer n° 144 05 09 1908.PNGL'Echo du Finistère, n° 144, 5 septembre 1908

 

[PNG] Cougard 3e acte n° 151 24 10 1908.PNGL'Echo du Finistère, n° 151 , 24 octobre 1908

 

[PNG] grève conseillers municipaux Plouguer n° 206 13 11 1909.PNG

L'Echo du Finistère, n° 206, 13 novembre 1909

 

- Huelgoat

[PNG] démission Fégean A n° 258 12 11 1910.PNG[PNG] démission Fégean B n° 258 12 11 1910.PNG  L'Echo du Finistère, n° 258, 12 novembre 1910

 

Le Faouët

[PNG] menaces contre un conseiller général de droite JPY 27 08 1905.PNG

Journal de Pontivy et de son arrondissement, 27 août

 

REPUBLICAINS ANTICLERICAUX ET PROTESTANTS "ANGLICANS": SUS AUX CATHOLIQUES...

La Feuillée, 1906

           [PNG] la feuillee anglicanisme A Courrier29 8 décembre 1906.PNG[PNG] la feuillee anglicanisme B Courrier29 8 décembre 1906.PNG                                                                  Le Courrier du Finistère, 8 décembre 1906

  Le "Piti Courrier" est un hebdomadaire ultra-catholique, partisan d'une République conservatrice. Il commet l'erreur de confondre "anglicans" et "baptistes", tous protestants et donc ardents républicains (l'Eglise catholique fut fort un pilier de la monarchie; en dépit du Ralliement à la République  prôné par le pape Léon XIII à la fin du 19e siècle, bien des évêques et des prêtres demeurèrent partisans de l'union du trône et de l'autel. Mgr Duparc, évêque de Quimper et Léon de 1908 à 1946, ne se cachait pas d'être royaliste)






Dernière modification le 04/02/2019

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