Ar Bobl (1904 - 1914)

Le journal de Taldir Jaffrennou: "le Peuple"

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14/08/2023

2) Les conférences socialistes

 

Carhaix –     « Simultanément sont créés à Carhaix : au patronage Saint-Louis, un cercle d’études sociales ; une union socialiste de la Jeunesse laïque »

Ar Bobl, n° 344, 29 juillet 1911

Chaque camp a parfaitement saisi quel levier représentaient les jeunes de 14 à 21 ans.

 

Carhaix  - Conférence donnée par un syndicaliste socialiste originaire de Paimpol, Bidamant :

   « Les députés, les ministres eux-mêmes sont eux aussi des capitalistes, de gros actionnaires des Compagnies et lorsqu’ils reçoivent des délégations ouvrières, c’est toujours avec beaucoup de pommade, mais là se borne leur travail. « On n’obtient que ce qu’on prend ! » dit Bidamant et il se proclame révolutionnaire et partisan de l’action directe. Le conférencier tombe aussi sur le Machinisme qui, supprimant de la main d’œuvre, oblige beaucoup d’ouvriers à se croiser les bras.

      Il oublie cependant que sans le machinisme il n’y aurait pas d’ouvriers des chemins de fer et qu’à la fabrication des machines des milliers d’hommes sont employés et bien payés !.

    «Les « caïmans du Sénat ont rejeté la loi sur les retraites ouvrières … La Révolution a renversé les Nobles et le Clergé, le Quart Etat doit renverser le Tiers dans la boue et le sang ! » - Il nous semble que ce ne sera pas chose si facile, pour cette raison bien simple, qu’il suffit qu’un ouvrier ramasse un petit pécule pour qu’il se hâte de s’embourgeoiser, sinon d’idées, du moins d’éducation et de manières. Le Quart Etat recrute le Tiers Etat, ce dernier lui-même fournit le clergé et, quand il peut, il aide volontiers à redorer les blasons de la noblesse. Alors ? -  F.J ».   

Ar Bobl, n° 42,  8 juillet 1905

 

Le conférencier reprend les thèmes chers aux fondateurs du syndicalisme tel que l’a défini la Charte d’Amiens d’octobre 1906 :

1) les « travailleurs » (comme si un médecin, un professeur, un éditorialiste, un ingénieur des mines ne travaillaient pas) doivent se méfier des « politiciens », même ceux qui se prétendent de gauche 

2) Les travailleurs n’ont, contre leurs seuls ennemis, les patrons, qu’un unique moyen efficace d’action : la grève générale illimitée  

3) Le collectivisme doit succéder au capitalisme…

    Le conférencier s’en prend au machinisme…. Quels en sont les inconvénients ? Le remplacement de l’homme par la machine : le chômage pour les uns ; pour ceux qui parviennent à conserver leur emploi : la parcellisation des tâches et l’asservissement de l’ouvrier à la machine, ce que l’on appellera la « déshumanisation » du travail dans les « bagnes » que deviennent les usines.  Quels sont les avantages du machinisme ? Pour les ouvriers : à nouvelles machines, nouveaux emplois ; pour les entrepreneurs : la machine ne fait pas grève ; pour les consommateurs : l’abaissement des prix des objets….

   Ar Bobl reprend la différenciation chère aux Sans-Culottes hébertistes ou babouvistes de la Grande Révolution entre Tiers et Quart Etat… Selon eux, le Tiers Etat ne rassemble que les bourgeoisies et la fraction instruite (instituteurs) des classes populaires. Le Quart Etat regroupe l’ensemble des prolétaires, ceux qui ne vivent que du travail de leurs bras.  


"Conférence syndicaliste à Carhaix - Il y avait dans la salle 100 personnes, dont 40 enfants et 3 ou 4 ouvriers des chemins de fer. Les travailleurs de Carhaix n'ignorent pas quels braves raseurs sont ces conférenciers anticléricaux et antipatriotes. Jamais de leur vie ils n'ont touché un outil et quant à s'occuper de l'ouvrier, c'est peau de balle et balai de crin !"

Ar Bobl, n° 69, 13 janvier 1906

 

"Conférence à Carhaix, le 10 janvier dernier, de la Confédération Générale du Travail, antipatronale, anti-militariste, où le Gouvernement, le Parlement et le socialisme d'Etat étaient pareillement malmenés"

 Rapport du Sous-Préfet de Châteaulin au Préfet du Finistère, 31 janvier 1907, archives départementales 1 M 135

Carhaix – Conférence socialiste

  « Un chef d’industrie nous disait : « Lorsque nous avons dans nos chantiers une forte tête révolutionnaire qui prétend parler « au nom de tous », nous nous hâtons de bien le caser. Aussitôt, le loup se fait berger et il n’y a pas plus rosse pour leurs inférieurs que ces ex-collectivos » »

Ar Bobl, n° 262, 1er janvier 1910

 

L’éternelle nature humaine….

 

Carhaix – Conférence socialiste

     « C’est au milieu de l’indifférence générale que les conférences des meneurs collectivistes se succèdent à la salle de la mairie.

      Le citoyen Yvetot est repassé par Carhaix. Naturellement, le citoyen Yvetot est logique : la CGT ne tient pas plus que cela à ce que les ouvriers aient des retraites assurées, ce serait la mort sans phrase du collectivisme. Pour les collectivistes, toute loi sociale et mutualiste votée fait reculer d’autant le Grand Soir qu’ils réclament de leurs vœux. Ils ne pensent qu’à chambarder les améliorations successives de la société évoluée »

Ar Bobl, n° 268, 12 février 1910

    Yvetot est un ouvrier typographe anarchiste. Il est l’un des meneurs nationaux de la CGT. En décembre 1939, son pacifisme à tout crin le conduit à signer une pétition réclamant le retour au temps de paix)

   Le Grand Soir est l’expression consacrée pour Révolution prolétarienne : la nationalisation (collectivisation, socialisation) des moyens de production, de commercialisation et de transport (banques, mines, sol, sous-sol, usines, chemins de fer, grands magasins) arrachés de force aux « bourgeois »

    Sans misère ouvrière, pas d’électeurs socialistes, pas de grévistes, pas de syndiqués et donc pas de syndicalistes. Les anarchistes exigent que ces derniers retournent au travail à l’usine et soient remplacés par d’autres…Sinon s’installe peu à peu une professionnalisation du mandat de représentant syndical.


Carhaix - Conférence - On nous écrit :

   « Le groupe socialiste de Carhaix a fait venir samedi soir le citoyen Cachin  , délégué du P.S.U.  , pour nous entretenir de questions sociales, retraites ouvrières, salaires, etc…    M. Pierre Postollec  , secrétaire de mairie de Plouguer, présidait.

[...]    Le citoyen  Cachin entre promptement en matière. Après nous avoir dit que nous ne sommes plus en face de questions politiques ni religieuses, que le grand problème qui se dresse devant nous n’est qu’un problème social et de bien-être, en un mot le problème du ventre, il entame la question des Retraites ouvrières. Brièvement, il nous explique les […] objections (des socialistes) contre la Loi  : âge trop avancé où les retraités bénéficieront de cette Loi, retraite trop peu élevée. « Mais l’argent manque. Prenons-en donc dans les coffres-forts des capitalistes et de la grosse bourgeoisie ! Imposons les grandes successions ! » s’écrie le citoyen Cachin.

M. Le Roux remonte à la tribune et demande à  Cachin comment conserverat-il l’argent qu’il enlèvera aux capitalistes, comment le fera-t-il fructifier et comment le mettra-t-il à l’abri des panamistes  et des liquidateurs ?  S’il doit subir le sort du milliard des Congrégations , autant vaut le laisser là où il est. M. Cachin tourne la question et se dispense de donner une réponse satisfaisante.

     La séance prend fin dans le brouhaha après une dernière allocution d’un assistant qui a déclaré que dans la société future il n’y aurait besoin ni de juges ni de gendarmes  - J. Hétais   »

Ar Bobl, n° 348, 26 août 1911

  Né à Paimpol en 1869, bretonnant, Marcel Cachin est un des fondateurs du Parti communiste français (décembre 1920). Directeur de l’Humanité entre les deux guerres. Il meurt en 1958.

 La  Loi sur les retraites ouvrières est votée le 31 mars 1910 par la Chambre des Députés, le 5 avril 1910 par le Sénat.

Le PSU est le  Parti Socialiste Unifié.    Les panamistes sont des députés républicains modérés et radicaux qui ont trempé (corruption) dans le Scandale de Panama, qui éclate au grand jour en 1892. Le millaird des Congrégations est la somme que le gouvernement républicain espérait tirer de la vent aux enchères publiques des biens (immeubles, mobiliers, terres) arrachés par "nationalisation" aux Congrégations religieuses enseignantes ou prédicantes.J. Hétais est le pseudonyme humoristique de Taldir (jeu de mots: "J'y étais")

 

Carhaix – Conférence socialiste

    « Le citoyen Le Treis, candidat aux élections législatives à Brest, s’en est pris aux 19 000 millionnaires français qui possèdent, paraît-il, à eux seuls, la valeur de 21 départements français.

      Le citoyen Le Treis en veut d’une façon toute spéciale à ces 19 000 « fainéants », qu’il faudrait faire travailler à leur tour, les mettre qui à la bêche, qui au rabot. L’orateur dit que les sans-patrie ne sont pas chez les socialistes mais parmi les gens de la haute finance. Quant à lui, il se proclame athée mais il n’en veut à la religion de personne. Il n’a aucune sympathie pour le clergé, il n’aime pas davantage les radicaux. Il les accuse d’avoir leurré les travailleurs. Ce qu’il faut, conclut l’orateur, c’est la mise en commun des grandes usines, des voies ferrées, des mines »

Ar Bobl, n° 483, 21 mars 1914

 

  Les « sans-patrie » sont, aux dires des utilisateurs de cette formule, des traîtres, des internationalistes proposant la suppression des frontières, la mise en place d’une seule communauté mondiale qui s’appellerait l’humanité ». Ils sont, cela va sans l’écrire, pacifistes et prônent, en cas de mobilisation, la grève générale. Ils se sont élevés contre la « loi de trois ans » de service militaire en 1913. 

     Certains que les socialistes allemands, qui recueillent aux élections législatives de 1912, un tiers du total des suffrages exprimés, empêcheraient leur pays d’entrer en guerre, les socialistes français font preuve de naïveté : selon la célèbre formule, « un socialiste français est socialiste avant d’être français, un socialiste allemand est allemand avant d’être socialiste ».  En juin 1913, le député socialiste Noske approuve l'accroissement des effectifs militaires allemands: "Nous n'allons pas l'intention de laisser sans défense les frontières du Reich !"

   Il est vrai aussi qu’il existe une « internationale européenne de la finance » : même si certaines entreprises allemandes et françaises sont concurrentes, d’autres entreprises entretiennent, de part et d’autre de la frontière, des liens techniques et financiers très étroits. Ces dernières ne sont pas bellicistes…






Dernière modification le 14/03/2019

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