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LE CULTE IRREPRESSIBLE DE LA DIVISION: LES GUERRES PICROCHOLINES...
Carhaix – « Séance mouvementée lors de l’élection du bureau du comice agricole:
« La politique s’en est mêlée. Elle n’avait pourtant rien à y faire... Est-ce que nos vaches, nos boeufs auront bientôt aussi une couleur ? Tout porterait à le croire...Nous avons également assisté au triste spectacle de voir chanter l’hymne prussien (l’Internationale) en pleine mairie, pendant le dépouillement du scrutin »
Les sortants, Nédellec, le maire Anthoine sont battus par Ferdinand Lancien, Postollec, Ropars (Saint-Hernin) »
Ar Bobl, n° 10, 26 novembre 1904
Nédellec est l'un des "363" députés républicains qui, en 1876-1877, ont refusé de s'incliner devant le gouvernement de tendance monarchiste du duc de Broglie. Ces 363 ont renversé ce gouvernement d'"Ordre moral"; la Chambre ayant été aussitôt dissoute par le Président de la République duc de Mac-Mahon, des élections législatives anticipées ont été organisées. En dépit de la pression des préfets en faveur des candidats conservateurs, les républicains emportent la majorité. Anthoine, commerçant en grains, est le maire radical de Carhaix. Lancien est le conseiller général radical du canton de Carhaix, Ropars est le maire de gauche de Saint-Hernin
L'hymne prussien: le socialisme le plus redoutable, aux yeux des "honnêtes gens", est le marxisme collectiviste, échafaudé par Marx et Engels, deux Allemands, donc deux Prussiens.
La Feuillée – Mutuelle bétail
« Lorsqu’elle a été fondée en février, le secrétaire s’est rendu à la Mairie pour déposer les statuts. Mais M. Cahut, maire, jugeant qu’il avait devant lui des adversaires, refusa. Après une seconde sommation à lui faite par le Président, le maire refusa encore. Un huissier d’Huelgoat dûment requis par les Mutuelles, put enfin forcer les portes.
Avis : le bureau de la Mutuelle-bétail tient à couper court au bruit répandu par des intéressés qu’elle s’est créée dans un but politico-clérical. Il n’en est rien et ce serait mal connaître les montagnards de l’Arrée que de les croire capables d’aliéner leur liberté »
Ar Bobl, n° 478, 14 février 1914
La Feuillée – Lettre du maire à ar Bobl
« L’ancien maire Salaün : le Salaün d’aujourd’hui n’est plus le Salaün, qui, il y a quelques années, courait après les curés de village en village pour leur interdire de faire leur quête. Il a fait amende honorable : aujourd’hui il va lui-même faire la quête pour acheter des cloches, pendant que sa femme et sa fille quêtent du beurre pour les fritures du presbytère – Cahut »
Ar Bobl, n° 484, 28 mars 1914
Aux dires du nouveau maire, le radical-socialiste Cahut, qui a battu l'ancien maire, Salaün, ce dernier aurait tourné casaque et chercherait à prendre une revanche en utilisant la Mutuelle-bétail..pour diviser l'électorat de gauche de la commune...
A Carhaix, le projet de création d'une Ecole primaire supérieure met à nu un vieux clivage au sein du conseil municipal dont les membres ont été élus sur une liste unique "républicaine", menée par Eugène Anthoine, en 1904
"Carhaix. Conseil municipal - L'Ecole primaire supérieure Le Conseil municipal avait été convoqué lundi soir, à 20 heures, à l'effet de décider ou non de la création d'une Ecole primaire supérieure à Carhaix.[...] Nous devons dire que, cette fois, le bon sens a triomphé. [..] M. le Maire prend la parole. "la Préfecture, prenant note des délibérations approuvant la création d'une Ecole primaire supérieure... M. Marchais - Approuvant le principe seulement, entendons-nous" M. Anthoine - "Nous demande de voter l'admission définitive ou le rejet du projet. La Commission départementale a à choisir entre Carhaix et Châteauneuf-du-Faou [...] Je vous propose de voter les crédits nécessaires à la construction de cette école" M.Marchais - Ce vote sera-t-il définitif ? M.Anthoine - Oui M. Marchais - Dans ce cas, je déclare que n'avons pas à nous plier à une injonction de l'Administration et que nous n'avons pas le droit d'aliéner à la légère nos finances qui ne sont déjà pas très prospères.[...] Nous ne voulons avoir cette école que lorsque nous pourrons la payer. M. de Jaegher - Châteauneuf l'aura alors sans tarder. M. Marchais - Je n'ignore pas que dans la crise actuelle que traverse l'Enseignement, on a besoin d'écoles pour caser le personnel, mais ce n'est pas à nous de donner la main à de semblables combinaisons. M. Gourlaouen - Que Châteauneuf construise son école, nous y enverrons nos élèves ! M. Anthoine - S'il y avait ici une Ecole primaire supérieure, des enfants d'ouvriers pourraient peut-être, eux aussi, devenir ingénieurs ! M. de Jaegher insiste sur les services que rendrait cette école aux fils d'agriculteurs: "La campagne, dit-il, manque moins de bras que de sujets intelligents". M. Marchais - Il y a des sujets aussi intelligents dans les campagnes que dans les villes ! M. le Dr Lancien - Je voudrais des chiffres précis et non des à peu près. M. Anthoine et Lemoine s'escriment à agiter l'épouvantail de Châteauneuf possédant une école primaire supérieure M. Pierre Clec'h - Grâce à Dubuisson (1) M. Anthoine - M. le Préfet nous demande de nous engager pendant cinq ans, à inscrire les frais de construction de cette école dans nos dépenses obligatoires. M. Marchais - Pendant cinq ans, cela signifie à perpétuité M. Le Troadec - Nous ne voterons pas des dépenses que nous ne connaissons pas. M. le Dr Lancien - Je propose un ordre du jour demandant de réserver le vote définitif jusqu'à la connaissance des dépenses exactes. L'ordre du jour mis aux voix à bulletins secrets obtient 7 pour et 7 contre sur 14 conseillers présents (2). M. Anthoine - Il faut trancher [...] Je mets aux voix la construction de l'école Voici comment les voix se seraient réparties: Pour (sept) : MM. Anthoine, de Jaegher, Lemoine, Henriet, Mélou, Guéguen, Pierre Clec'h Contre (sept): MM. Lancien, Marchais, Le Troadec, Conan, Royer, Montfort, Gourlaouen Par le fait, le projet est renvoyé à la Commission départementale |
Ar Bobl, 9 décembre 1905 |
(1) Dubuisson, maire, conseiller général de Châteauneuf-du-Faou, est député de la circonscription de 1898 à 1914
(2) Le conseil, au complet, compte 21 membres
En bon catholique de droite, l'auteur de l'entrefilet, Taldir, est opposé à cette école. Elle serait nuisible à l'agriculture, en captant les fils d'agriculteurs qui auraient pu améliorer la production agricole mais trouveront la terre trop basse; en transformant des campagnards en citadins, elle diminuerait le "stock" de suffrages de droite et augmenterait le réservoir électoral des "rouges". Elle serait aussi nuisible aux contribuables carhaisiens, c'est-à-dire aux gens établis. Et pourtant, la sociologie politique n'est pas une science exacte...
Sociologie des conseillers favorables à l'école primaire supérieure:
- "de gauche": un commerçant en gros, un médecin, un pharmacien, un cadre du chemin de fer, , un entrepreneur en peinture.
- "de droite": un artisan marbrier, un entrepreneur en maçonnerie
Sociologie des conseillers hostiles":
- de droite: deux médecins, l'un catholique, l'autre athée; un marchand de bois, un mécanicien-forgeron, un entrepreneur
- de "gauche": un pâtissier, un tanneur
On ne peut pas affirmer qu'il existe un "vote de classe"
Sont décédé: un entrepreneur en peinture (droite); démissionnaires: un chapelier (gauche), un pharmacien (droite); absents: pour la gauche, deux boulangers, un loueur de voitures; pour la droite: un assureur.
L'absence de trois conseillers favorables au maire a retardé la décision de la construction de cette école
Cléden-Poher – Lettre adressée par le Maire de Cléden-Poher à François Jaffrennou, ar Bobl :
Monsieur, Souffrez que comme petit-neveu de Claude Jégou, vicomte de Kerjean, qui eut son château de Glomel incendié par les Bonnets rouges de Le Balp, je proteste contre votre demande de réhabilitation de celui qui fit brûler le Kergoat, demeure de la famille de Jeanne Guynamant, dame de Trévigny, à laquelle vous vous dites apparenté, et qui tua, incendia, vola, etc… Salutations distinguées Comte Jégou du Laz »
Ar Bobl, n° 424, 1er février 1913
Au sein du camp conservateur, des bisbilles opposent, à propos des Bonnets rouges de 1675, royalistes et régionalistes.
Les Bonnets rouges, paysans exaspérés par les impôts écrasants infligés par Louis XIV à tous ses sujets, dont le Tiers Etat breton qui se croyait protégé par les clauses de l'Acte d'Union de la Bretagne et de la France (1532), se révoltent fourches et torches à la main et s'en prennent aux représentants locaux du pouvoir royal, aux nobles et à certains membres du clergé.
Taldir soutient la mémoire des insurgés, rend hommage à leur chef, un notaire dont la réputation professionnelle était loin d'être intacte, tandis que le maire de Cléden-Poher n'oublie pas les exactions dont furent victimes ses ancêtres.
Cette querelle explique la faiblesse de l'engagement de Taldir, lors des législatives du printemps suivant, en faveur du candidat conservateur choisi par le Comte du Laz.
" Tolérez-vous, ne vous dénigrez pas !
Si, dans le domaine de la mentalité, on peut dire que la Bretagne est divisée en deux grandes regions, la Rouge et la Blanche, gouvernées pars des esprits étrangers à notre Race, on peut dire aussi que ces régions se subdivisent en principautés minuscules où veulent régner, dès qu'ils jouissent de la moindre autorité, des tyranneaux. Nulle part, les polémiques religieuses et politiques n'atteignent la même virulence. Jamais de trêve - Erwan Jil"
Ar Bobl, n° 183, 27 juin 1908
Dernière modification le 31/01/2019