Ar Bobl (1904 - 1914)

Le journal de Taldir Jaffrennou: "le Peuple"

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14/08/2023

   Cette page a été complétée en mars 2018

 

 

4)   Difficultés économiques

 

« La crise actuelle

    « La crise actuelle est dûe  1) au trop grand nombre de billets de banque mis en circulation  2) à la surproduction de l’or. Depuis 15 ans, le traitement  des minerais aurifères, une fois broyés, par le chlore et surtout  le cyanure de potassium, a opéré une véritable révolution de cette industrie. Grâce à la cyanuration, on élève de 80 à 92 %  la quantité d’or extraite d’un minerai. Ces nouvelles méthodes permettent de traiter des minerais pauvres avec profit […] Ce flot d’or qui se déverse chaque année sur l’humanité,  a pour résultat de déprécier le métal ; une pièce de 20 francs vaut en réalité moins qu’il y a vingt ans parce que le nombre de pièces de 20 francs  dans la circulation a doublé, que la production de blé, de légumes, de viande n’a pas suivi la même progression. Il en résulte naturellement qu’il faut donner plus d’or pour avoir la même quantité de ces marchandises : c’est ce que nous nommons l’élévation des prix »

Ar Bobl, n° 303, 15 octobre 1910

 

  Ar Bobl s’astreint ici à donner à ses lecteurs un cours de science économique portant sur l’inflation et la dépréciation du Franc-or, dont on vantait la solidité depuis sa création sous le nom de Franc-Germinal (1803), qui n’était en réalité que le successeur de la livre tournois de l’Ancien Régime (1726).

   Premier mécanisme : l’afflux d’or d’Australie et de l’Alaska permet de frapper des pièces (dollar, livre,  francs-or ). Salaires, rentes, loyers, bénéfices augmentent…

Second mécanisme : la planche à billets, dont l’Etat fait un usage abusif. On constate en effet que le pouvoir d’achat du Franc-or chute de 13 % en 1911, 1912, 1913, 1914 par rapport à la période 1880-1910.

   Elément de blocage : le lent progrès de la production agricole.  La loi de l’offre (alimentaire) et de la demande (le pouvoir d’achat) joue en faveur des agriculteurs qui ont beaucoup à vendre… Quant aux paysans qui vivent en quasi-autarcie, ils ne profitent pas beaucoup de la hausse des prix des produits agricoles…

 

« La crise :

      Les ménagères sont unanimes à déclarer que tout devient si cher « qu’on se demande ce que l’on pourra bientôt manger et où l’on devra se loger ». Les statistiques leur donnent raison : augmentation des prix des œufs, du beurre, de la viande de boucherie, des légumes, augmentation d’autant plus sensible que jusqu’en 1898 il y avait eu une baisse appréciable des prix du blé, du café, du charbon, de la laine. De 1890 à 1898, baisse progressive ; depuis 1898, mouvement dominant de hausse avec des variations produites par la crise américaine de 1907. Quelles sont les causes de ce renchérissement ?

    Les causes locales et temporaires : ce sont les inondations de 1910 qui, dans de nombreux pays, ont dévasté les prairies. C’est ensuite la sécheresse de 1911 ; les maladies : le mildiou de la vigne et de la pomme de terre, la fièvre aphteuse. De plus, l’exportation du bétail français qui était meilleur marché que celui des pays voisins.

    Mais il y a aussi des causes générales. Accroissement des charges pesant sur le producteur ; les impôts augmentent chaque année. Naturellement, industriels et cultivateurs essaient de se rattraper. Le budget des patrons  se trouve grevé par les lois dites ouvrières ; le coût de production se trouve accru. Le prix de revient se trouve également augmenté par la hausse des salaires, encore que dans beaucoup d’industries, le développement du machinisme l’ait atténuée.

      On ne peut ne pas reconnaître aussi des habitudes de bien être plus grand, parfois même de luxe. Malgré l’augmentation des prix, on consomme davantage. La tendance à la hausse se trouve encore accentuée par les ententes qui se nouent entre producteurs pour limiter la concurrence qu’ils se faisaient avant. Il y aussi des intermédiaires qui ont provoqué des hausses artificielles. Enfin, on peut penser que la production plus abondante d’or a une part efficace dans la cherté de la vie… Enfin, le trop grand nombre de billets de banque mis en circulation.

    Quels remèdes peut-on proposer ?

     On doit souhaiter la diminution des impôts, mais on ne peut guère l’opérer, malgré les nombreuses économies budgétaires que l’on pourrait réaliser. On ne peut songer ni à une baisse des salaires ni à l’abrogation des lois sociales. L’augmentation des salaires est une bonne chose puisqu’elle amène normalement un rapprochement des classes sociales. On peut compter que l’augmentation du machinisme et la diffusion des méthodes de l’industrie moderne contribueront à diminuer l’effet des causes qui poussent à la hausse des prix. Les améliorations opérées dans les modes de transport auront des résultats analogues. Contre les coalitions de producteurs peuvent se former des groupements  puissants de consommateurs  - Kernevad »

Ar Bobl, n° 369, 20 janvier 1912

 

L’analyse est très fouillée. Elle met en évidence les phases de déflation (chute des prix, de 1890 à 1898) et d’inflation (1899-1912), les causes : internationale (la crise aux USA, qui contracte les exportations françaises, ce qui montre que les économies capitalistes sont déjà dépendantes les unes des autres) ; météorologiques ; épizootiques ; fiscales, salariales, oligopolistiques (ententes entre producteurs pour augmenter les prix de vente).

    Les solutions ? Que l’Etat réduise son train de vie (les indemnités des hauts-fonctionnaires, des ministres, des parlementaires). Il y a déjà un million de fonctionnaires contre moins de 100 000 cinquante ans plus tôt. Les lois sociales de l’époque sont balbutiantes et leur abrogation n’entraînerait aucune amélioration de la situation….Que certains Français renoncent au superflu : un vœu pieux….

"Châteauneuf-du-Faou - Manifestation contre la vie chère

    Au cours d'une manifestation contre la vie chère, une bagarre s'est produite. Des négociants venus de Quimper s'approvisionner en beurre et oeufs, en furent empêchés; les femmes prétendant qu'ils achetaient trop cher et étaient la cause de la hausse, renversèrent les paniers de beurre et d'oeufs. Des coups furent échangés"

Ar Bobl, 18 novembre 1911

 

"Carhaix - Le prix du pain

"Une pétition fut adressée à M. le Maire de Carhaix pour lui demander de faire baisser le prix du pain. Cette pétition, signée par la population ouvrière, recueillit, en deux jours, 500 signatures. Le Maire convoqua les boulangers à la mairie et leur demanda de vouloir faire droit, si possible immédiatement, à la demande de pétitionnaires. Les boulangers ont déclaré refuser de diminuer le prix de pain. Ils prétendent  qu'il y a quelques mois les farines se vendaient 42 et 44 F et ils donnaient le pain à 1,7 F les 5 kilos, A cette époque, disaient-ils, ils perdaient de l'argent"

Ar Bobl, 4 novembre 1911

"Carhaix - La vie chère

   Voyant que les boulangers de Carhaix ne voulaient pas diminuer le prix du pain (2 F les 5 kilos), un groupe d'employés de chemin de fer de Carhaix ont décidé de prendre leur pain à Callac, qui leur coûte 0,2 F pour 5 Kg de moins rendu chez eux. Leur pain leur vient tous les soirs par le train et est distribué par la femme d'un mécanicien. Cette initiative est dûe à MM. Berson, chef de train et Héger, homme d'équipe.

   Aussi, quand les boulangers de Carhaix diminueront-ils leur pain ?

Ar Bobl, 7 septembre 1912


       Autre signe inquiétant: la désindustrialisation partielle d'une région sous-industrialisée: "le commencement de la fin" de l'exploitation du minerai de plomb argentifère de Poullaouen, Locmaria-Berrien, Huelgoat..

   Cette activité industrielle est à son apogée au coeur du 18e siècle. Entreprise privée, elle est nationalisée par les Révolutionnaires de l'An II qui, en lutte contre à peu près tout ce qui compte alors comme puissances, maritime ou terrestres, européennes, en font un des piliers du dispositif subvenant à certains besoins de la Défense nationale... On peut lire à ce propos la thèse de MONANGE, parue dans une édition relativement bon marché.... Puis les veines s'épuisent, les conflits entre paysans-ouvriers du cru et cadres "étrangers" (à la Bretagne), dissuadent bien des capitalistes français de moderniser les installations . Au 19e siècle, l'extraction est arrêtée, puis reprise, puis mise en sommeil. A la veille de la Grande Guerre, l'agonie de la "Mine" est bien entamée...

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   La Mine de Poullaouen, le puits Pape






Dernière modification le 12/03/2019

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